Louise Erdrich et La Sentence, abondance et confusion

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Louise Erdrich dédicace La Sentence

« À toutes celles et ceux qui ont travaillé à Birchbark Books, à nos clients, à nos fantômes ».

Birchbark Books, la librairie dédiée à la littérature autochtone de l’autrice, se trouve à Minneapolis, lieu de l’action du roman qui se déroule – à part les digressions temporelles – essentiellement durant l’année 2020, avec la Covid et surtout la flambée de violence qui a suivi l’assassinat de George Floyd, le 25 mai 2020 à Minneapolis.

La narratrice amérindienne, Tookie – une Ojibwé, comme la mère de Louise Erdrich – , a été condamnée à soixante ans d’emprisonnement à la suite d’un crime rocambolesque : pour faire plaisir à une amie, elle a volé un cadavre dont les aisselles étaient bourrées de cocaïne. Au bout de dix ans d’incarcération, elle a droit à une liberté conditionnelle et, à peine sortie, épouse Pollux, le policier tribal qui l’avait arrêtée. Elle trouve du travail dans une librairie de sa ville, Minneapolis, dont la patronne s’appelle Louise. Nous savons donc dès le départ que fiction et autofiction vont se mêler dans ce roman inscrit dans un lieu et un temps précis.

En novembre 2019 une cliente assidue de la librairie meurt, et bientôt son fantôme vient hanter la librairie et ses employés, en particulier Tookie la narratrice. La fille de Flora offre à Tookie un livre que sa mère aimait beaucoup, et tout se complique, car le livre a du pouvoir, et Flora l’avait volé. Ce texte est un texte autobiographique intitulé « La Sentence », comme le titre du roman :

Deux jours plus tard, le soir, j’ai enfin ouvert le livre de Flora. L’ouvrage lui-même contrastait avec sa calme couverture blanche, il s’agissait d’un très vieux journal intime aux pages de garde marbrées imprimées à la main, avec des volutes rouge sombre, indigo et dorées. […] Un genre de page de titre disait

LA SENTENCE

Une captivité indienne

1862-1883

Le reste était difficile à comprendre : des noms flous, des dates qui n’étaient plus que des taches claires.

Cette mise en abîme est-elle vraiment utile à l’économie du roman ? Les fantômes font partie de l’univers Ojibwé, certes, mais celui de Flora est particulièrement lourd et déroutant. La narration fait du surplace. Ce roman à tiroirs donne l’impression de s’être brusquement arrêté après un début tonitruant quoique plutôt invraisemblable. La vie de Tookie, ses problèmes avec le fantôme ou avec sa fille adoptive, ses relations avec les clients de la librairie, tout se mêle d’une façon déroutante (peut-être voulue ???) aux graves événements que nous connaissons tous.

Les faits réels et dramatiques se mêlent aux portraits humoristiques de certains clients de la librairie et aux listes de livres à lire absolument, les descriptions de cérémonies indiennes disent en creux le désarroi de ne pas toujours savoir à quel groupe on appartient, tellement l’histoire autochtone a été douloureuse. Ajoutez à cela des éléments de la vie de Louise en pleine promotion de son nouveau livre pendant la crise du Covid et vous aurez un aperçu de ce roman touffus.

J’avoue que je suis restée perplexe devant ce méli-mélo d’autofiction et d’actualité, de pistes qui s’emmêlent en un tissu lâche et confus. Où se trouve le fil conducteur de ce roman de plus de quatre cents pages qui, parfois, m’est tombé des mains ? Il se conclut par des listes thématiques de livres conçues par Tookie-Louise. Cela nous ramène à l’éloge de la librairie et des libraires de la dédicace de manière un peu artificielle, comme si l’autrice ne savait comment conclure ce texte dont l’abondance de thèmes l’a débordée.

La sentence
Louise Erdrich
Albin Michel, septembre 2023, 448 p., 23,90 €
ISBN : 978-2-226-47490-2

La sentence
Louise Erdrich
Albin Michel, septembre 2023, 448 p., 23,90 €
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