Dakota Song nous plonge dans l’intérieur de l’immeuble Dakota, un îlot mythique de Manhattan peuplé de personnes riches et célèbres, entre autres Lauren Bacall, Leonard Bernstein, Rudolf Noureev et John Lennon et sa femme.
Le fonctionnement de ce genre d’immeuble où tout est assuré par un petit peuple de l’ombre chargé du bien-être des habitants nous est devenu familier avec Jean-Paul Dubois et son roman prix Goncourt 2019 Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon.
La comparaison s’arrête là.
Ariane Bois situe son roman en 1970, un moment clé de l’histoire new-yorkaise. Dans le premier chapitre un jeune noir de Harlem assiste à l’assassinat de son meilleur ami. Le mari de sa tante, portoricain, veut protéger son neveu et l’amène clandestinement dans les sous-sols du Dakota où il travaille. Ce très jeune homme, c’est Shawn Pepperdine, qui deviendra le premier portier noir du Dakota.
Le début du roman est passionnant, Ariane Bois possède l’art de plonger son lecteur dans les atmosphères les plus étrangères à sa vie. Nous sommes à Harlem, nous nous promenons à l’aube dans New-York, nous sommes plongés avec Shawn au cœur de l’hostilité raciste des autres employés du Dakota. Bientôt, lorsqu’il aura été promu portier, le racisme s’étendra à certains résidents.
Et puis cela dérape un peu. Les chapitres portent le nom du résident dont on lira une partie de l’histoire (ou le nom de Shawn lorsque c’est son tour d’intervenir dans la narration). C’est un parti-pris systématique et difficile à tenir sur le long terme. Les histoires s’entrecroisent et tous ces gens riches, célèbres ou non, finissent par lasser malgré la qualité de l’écriture. Le fil narratif est trop artificiel. Je crois que c’est le piège de l’excès de sérieux et d’accumulation. La documentation entourant cette période et cet immeuble est si riche qu’il a dû être difficile de choisir et par conséquent facile de se perdre. Comment choisir parmi tous ces personnages intéressants ceux qui allaient maintenir la tension dramatique ? Comment sélectionner les éléments historiques qui participeraient intimement à l’histoire des héros, et en définitive quels héros choisir ?
Dakota Song est un portrait pointilliste d’une Amérique en effervescence et d’un immeuble rivé à ses privilèges. Il faut le regarder de loin pour cerner le motif.