Mise en abîme

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Sous la lumière écrasante  et l’ombre dure de son arche de pierre, une danseuse veille les yeux clos et poignet gauche cassé vers le ciel pendant que ses pieds reposent sur deux marches au même niveau que l’embrasure.

Cette ouverture sur un monde obscur rafraîchit et réconforte les yeux. Difficile de connaître  la profondeur du bâtiment dans ces ombres puissantes. Mais voilà qu’une autre trouée nous renvoie à la lumière, à la chaleur et aux statues de pierre. Pourtant l’éclat des couleurs n’est pas le même :  la végétation casse la dureté du soleil. Bienfait ? Menace ?

Cette mise en abîme ne doit rien à un tableau flamand. Nous ne nous trouvons  en face ni d’une paisible vie familiale et bourgeoise, ni d’une riche noblesse sûre d’elle-même mais devant un monument menacé par la vitalité de l’opulence végétale.

La seule constante est la fragilité de cette fenêtre sur le temps.

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Le fémur de Rimbaud, brocante hilarante

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Voilà du truculent, de l’hénaurme, de l’inventif : ami lecteur qui aime la subtilité et la finesse, passe ton chemin.

Le fémur de Rimbaud nous raconte les aventures drolatiques et mouvementées de Majésu Monroe, brocanteur de son état, et de Noème, perverse petite personne devenue son épouse.

Majésu ? Contraction de Marie-Jésus-Joseph pour exprimer l’effarement ou Mais Jésus pour indiquer la perplexité ? Le héros de cette histoire ubuesque oscille entre le grand guignol et le cinéma des frères Cohen.

Majésu, artiste de la brocante, ne propose que de l’exceptionnel :

« Parmi les merveilles exposées, le collectionneur n’avait que l’embarras du choix, une chaussette d’Arthur Rimbaud avec un trou au gros orteil (le trou était d’Arthur, la chaussette de sa mère), un os de la main de Napoléon, une éprouvette (étanche) contenant la vérole d’Alfred de Musset, un bocal (étanche) rempli de morpions anglais vieux de trois siècles en bon état de conservation.

Une de mes fiertés était d’avoir réussi à me procurer le tube digestif de Pantagruel. J’ai dû m’en séparer pour payer l’assurance de la camionnette.

Mon catalogue affichait huit centaines de raretés, dont la plupart étaient si rares qu’elles mériteraient d’être qualifiées d’uniques. Et je n’aborde pas mes accessoires religieux, mes poudres miraculeuses, mes œufs de Colomb en saindoux cristallisé, le véritable portrait du Christ à la mine de plomb par un officier romain qui le voyait tous les jours, en ce temps-là »

Un jour une cliente est attirée par une bague qui a appartenu selon Majésu à la sœur de Raspoutine. L’histoire commence, entre l’empereur de la poudre aux yeux et la reine de la perversité bourgeoise à qui Majésu, pour la séduire, avoue un meurtre. Amours immédiates et torrides : « Elle me trouvait toutes les qualités, mais le fait d’avoir mis fin au séjour terrestre d’un spoliateur de l’humanité était ce qui comptait le plus parmi les motifs qu’elle avait de m’aimer. Dès le départ j’ai su qu’elle aurait tué père et mère pour contribuer au progrès social ».

C’est d’ailleurs ce que Noème, fille de grands bourgeois vivant comme une pauvresse, va demander avec insistance à son tout nouveau mari. Mais les parents, après le morceau de bravoure du mariage de nos deux tourtereaux, meurent dans un attentat et Noème, devenue riche héritière, ne trouve plus aucune utilité à son mari. La guerre est déclarée.

L’argument ressemble à un feuilleton du dix-neuvième siècle, avec coup de théâtre à la fin de l’épisode et succession d’événements oscillant entre l’invraisemblable, le mauvais goût et l’excessif. Les pauvres ne sont pas ragoûtants, les riches encore moins, quant aux policiers, gardes du corps et autres éléments de romans policiers, ils ressemblent à des caricatures de série noire

Mais quelles réjouissances d’écriture ! Quelles truculentes trouvailles ! Le mélange de langage châtié et d’argot,  d’oxymores linguistiques et de jeux de mots incessants laisse pantois.

Je crois qu’il faut lire Le fémur de Rimbaud, par épisodes pour ne pas se fatiguer de cette écriture si formidablement créative qu’on finit par la trouver un peu lourde à digérer.

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XXI, la revue qui éclaire le siècle

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Les actualités nous inondent chaque jour comme un grand fleuve dont nous ne retenons que fort peu d’événements : le trop-plein, l’instantanéité des nouvelles du monde, leur traitement pléthorique mettant sur le même plan la crise de l’Ukraine et la disparition d’un adolescent en montagne fabriquent de l’oubli et de l’indifférence. Nous ne retenons pas grand-chose de la rumeur du monde.

A contre-courant de cette indifférence programmée, la revue XXI qui se présente comme un monolithe de science-fiction sur le coin gauche de sa page de couverture  est l’antithèse du courant médiatique.

Tout d’abord, pour bien marquer sa différence, cette revue ne se trouve qu’en librairie ou par abonnement – et pas de réduction, on paie le même prix qu’en librairie – ce qui est une décision citoyenne. Cet objet hybride de deux cents pages entre le livre et la revue et qui coûte le prix d’un livre (15 euros 50)  ne contient aucune publicité.

Et ça marche, une revue si chère qu’on ne trouve pas au kiosque du coin ? XXI a été bénéficiaire dès le premier numéro. On s’y plonge pendant des heures, on y revient, on range les exemplaires dans un coin de sa bibliothèque, jolie tranche colorée immédiatement identifiable, les numéros écrits en gros, leur saison et leur thématique aussi.

Pas de publicité. Un papier épais, un format A4, un peu plus de 2oo pages de reportages qui ont pris des mois, sinon des années, des photos en couleurs, des reportages graphiques, une grande variété de tailles typographiques : tout est fait pour le confort et l’attention du lecteur actuel, facilement rebuté par le pavé austère.

Brillant comme idée, tout sauf un accès de rage contre le numérique et le zapping mais une analyse fine des besoins des lecteurs qui se fatiguent de l’overdose d’information et veulent réfléchir au sens de l’actualité, à son implication dans leur vie.

Bande dessinée ? actualité ? magazine de société ?

Un peu tout cela à la fois, mais surtout une formidable leçon de qualité et d’optimisme.

Chaque saison apporte son thème, son témoignage mis en bande dessinée, son lot de reportages au long cours et d’investigation. Je me régale. L’écrivain admire : chaque récit pourrait à lui seul être considéré comme un roman, seulement il s’agit de vies d’êtres humains qui sont allés au bout de leur passion et de leur obstination. Parfois un peu fous, presque toujours d’un courage qui laisse pantois.

L’optimisme fondamental du concept – ne ratez surtout pas leur rubrique Ils font avancer le monde – l’immersion dans les reportages hors de l’actualité immédiate mais radiographie de notre vingt-et-unième siècle et la force des mots et des créations graphiques séduisent les lecteurs.

Vingt-et-un a fêté ses cinq ans le 20 janvier, preuve que le pari du concept novateur est gagné. Cette immersion dans notre siècle, centrée non sur les événements mais sur la façon dont les hommes les vivent, leur résistent ou les accompagnent est présentée de manière tout à fait originale. Mélange de thématiques qui peuvent être lues comme de mini romans et de récits graphiques mettant en bande dessinée une expérience singulière, XXI me fascine.

Vous qui éprouvez le besoin de comprendre la chair du monde, découvrez de toute urgence ce concentré d’humanité en marche et de talent journalistique.

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Ils ont lu et commenté Lovita

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Cassiopée sur le forum de Partage lecture, sur le site Libfly et sur le blog Collectif Littérature, ainsi que Sandrine Lyonnard dans Le Crochet de la Cédille ont parlé de Lovita.

J’aimerais vous signaler le bel article d’Eric  dans son blog Couleurs de vie du 24 mai, Représentations.

D’autres lectures, d’autres commentaires, plus intimes et envoyés par courrier, me frappent par leur profondeur. J’ai beaucoup travaillé les noms des personnages et un petit futé a fort bien repéré le contexte lacanien du choix des prénoms, des jeux de mots et des anagrammes.  Mais la plupart des lecteurs sont des lectrices, frappées par la violence ou le cynisme, la résilience ou la vitalité, chaque lectrice dévoile un pan de Lovita et bien sûr un pan de sa lecture de la vie. C’est à quoi servent aussi les livres.

J’attends vos réactions, commentaires et critiques… Et si vous pouviez les déposer sur les sites de ventes (Amazon, Kobobooks ou TheBookEdition) ou sur les sites de lectures comme Libfly ou Babelio, ce serait encore mieux !

P.S.: Pour mes lectrices/eurs qui souhaiteraient une version papier brochée, plusieurs solutions s’offrent à vous: Amazon.fr pour les Français et les Belges, Amazon.de pour les Suisses et Amazon.com pour les Canadiens.

Ceux qui préfèrent ne pas faire travailler le géant américain trouveront la version papier chez TheBookEdition, il leur faudra ouvrir un compte (comme sur SNCF, Easyjet, …). Mais les boutons/page Créer un compte concernent principalement un compte auteur et non acheteur. L’information est présente mais difficile à trouver. Je vous propose donc un raccourci.

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De l’utilité de l’ours en peluche chez les angoissés et les racistes.

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Un article paru dans Sciences Humaines de mars 2014 me remplit de perplexité.

Une étude hollandaise s’est intéressée à une catégorie de personnes âgées  très angoissées à l’idée de leur propre mort et à la façon de lutter contre cette terreur en utilisant la tape de sympathie sur l’épaule ou un ours en peluche. Le fait de rassurer quelqu’un par un contact physique amical ne me semble pas relever du Nobel, mais l’ours en peluche…

L’article montre deux choses. La première que les personnes qui ont le plus peur de la mort sont celles qui n’ont pas beaucoup d’estime personnelle pour elles-mêmes et qui sont convaincues que leur vie n’a pas beaucoup de sens. Pour lutter  contre cette angoisse ces mêmes personnes utilisent un réflexe de défense et de rejet : il n’y a pas de meilleur  pays que le leur, seuls les gens qui leur ressemblent valent quelque chose, etc…  Bref le racisme comme rempart contre la peur de la mort.

Surgit alors l’ours en peluche que l’on met entre les mains de la personne. Non seulement le contact avec le jouet calme la peur de la mort mais il calme aussi les pensées racistes !

Je ne sais que penser… Un individu plus serein et moins raciste à cause d’une peluche ?

Si l’étude est vraiment sérieuse il faut investir massivement chez les jouets Weber.

A moins qu’un chat ou un chien – bien vivant – ait la même utilité, l’échange et la tendresse en plus ? En Grande-Bretagne on accepte les animaux, à quand la même mesure en France pour la sérénité des pensionnaires ?

Un bémol : on me fait remarquer qu’une peluche ne fait pas ses besoins, ce qui simplifie la vie du personnel…

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