Éloge des frontières

Shares
Eloge des frontières

Crédit Gallimard

Régis Debray reprend dans ce texte court (96 pages) une conférence qu’il a donnée à la Maison franco-japonaise de Tokyo le 23 mars 2010.

Eloge des frontières… Ce manifeste à contre-courant de la pensée unique ambiante mérite que l’on s’y attarde et je vous encourage à le lire. Il suscitera au pire une légère irritation, au mieux une réflexion sur le décryptage de l’environnement idéologique dans lequel nous baignons sans nous en rendre compte ; dans tous les cas l’érudition de l’auteur vous donnera des pistes de réflexion auxquelles vous n’auriez sans doute jamais songé.

L’auteur prend à rebrousse-poil toutes nos certitudes.

D’abord les associations « sans frontières » qui nous font rêver par leur générosité : « l’on ne donne pas cher des professionnels et associations qui oublieraient sur leur carte de visite ce « Sésame ouvre-toi » des sympathies et des subventions ».

Ensuite tout le monde sait que les frontières sont nocives maintenant que le monde est un village grâce à la globalisation : « Rarement aura-t-on vu, dans l’histoire longue des crédulités occidentales, pareil hiatus entre notre état d’esprit et l’état des choses ».

Régis Debray nous rappelle que les frontières existent à tous les niveaux : physiques (la peau), culturels, religieux, étatiques, se révélant tour à tour obstacle et protection, élément de formation et de richesse culturelle.

Tout d’abord la frontière est une nécessité immémoriale : « Comment mettre de l’ordre dans le chaos ? ( …) En traçant une ligne. En séparant un dedans d’un dehors. L’autorisé de l’interdit ».

Références bibliques, étymologie des mots fondateurs de la frontière, celle des enceintes sacrées ou de la ville, ambivalence de la signification des mots, ambivalence du discours contre les frontières alors que « 27 000 kilomètres de frontières nouvelles ont été tracés depuis 2001, spécialement en Europe et en Asie ».

La démonstration se tient et la situation géopolitique lui donne raison : « Tant qu’il n’y a pas de consensus sur le cadre territorial, une démocratie reste fragile, voire illégitime ».

Supprimer les frontières est une illusion : « La globalisation elle-même provoque l’érection de murs électrifiés et vidéosurveillés – contre des menaces senties comme névralgiques parce que insaisissables, infra– ou trans– nationales. Pour déjouer l’apartheid et la coupure, ne renâclons pas aux travaux de couture. La mixité des humains ne s’obtiendra pas en jetant au panier les cartes d’identité, mais en procurant un passeport à chacun ».

A l’heure de la globalisation et de l’instantané à coup de clic de souris, jamais les réseaux sociaux n’ont été aussi importants, jamais les communautés n’ont été plus resserrées sur elles-mêmes : « Quand tout pousse au global, tirer vers le local, cela fait équilibre ».

Frontières du dedans et du dehors, du privé et du public, du religieux et du politique, du permis et de l’interdit, du culturel et du divertissement, tout est brouillé, les repères sont flous, le désarroi fort grand et les tentations des intégrismes plus grandes encore.

« Une frontière reconnue est le meilleur vaccin possible contre l’épidémie des murs ».

De tous les murs.

Ce Manifeste – terme qu’emploie Régis Debray qui possède une connaissance approfondie du langage – , se donne pour ce qu’il est, à savoir un exposé théorique. N’attendez pas de pistes économiques, ce n’est pas le propos de l’auteur ; il entend seulement apporter un regard différent.

Shares

Rosa Luxemburg et Sylvain Tesson, accointances et abîmes

Shares
Dans l'asile de nuit

Crédits Les Éditions de L’Herne

Dans les forêts de Sibérie

Crédits Gallimard

De troublantes correspondances émergent de deux livres aux antipodes l’un de l’autre : Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson et Dans l’asile de nuit de Rosa Luxemburg.

Chacun dans leur isolement les deux auteurs se rejoignent dans la description du dehors depuis leur fenêtre (le premier dans sa cabane et la deuxième dans sa cellule) ; ils ressentent le même amour de la nature et le même attachement à des animaux (en particulier des oiseaux) comme si l’humanité manquante et les sentiments qui l’accompagnent revenaient par la fenêtre.

Quant au bonheur que Sylvain Tesson est allé chercher si loin, Rosa Luxemburg l’a trouvé dans sa cellule.

Nos temps d’indigestion matérielle et de désenchantement poussent l’écrivain voyageur Sylvain Tesson à s’isoler volontairement en pleine Sibérie au bord du lac Baïkal de février à juillet 2010. Il s’installe dans une cabane pour trouver ce que le voyage ne lui apporte plus, loin de notre société de consommation.

A lire la liste de tout le matériel qu’emporte l’ermite contemporain, plus les remerciements à toutes les personnes qui lui ont permis de mener son projet à bien, – projet qui a reçu le label France-Russie dans le cadre de l’année croisée France-Russie – , on saisit l’ambiguïté du projet : la fuite de la surabondance ne peut s’opérer sans quelques aménagements avec celle-ci.

« J’ai tâché d’être heureux », écrit-il. Très vite une sorte de routine s’installe : allumer le poêle, fendre le bois, pêcher le poisson, nettoyer la cabane… Il consigne ses pensées dans un cahier, « son journal d’ermitage », en sachant que celui-ci sera publié.

Il s’installe dans sa solitude, connaît le détachement  « 11 mai Rien ne me manque de ma vie d’avant. Cette évidence me traverse alors que j’étale du miel sur les blinis. Rien. Ni mes biens, ni les miens. » mais aussi l’attachement : « Je pense à la mésange. J’en suis déjà nostalgique. Fou comme on s’attache vite aux êtres. La pitié m’envahit pour ces bêtes en lutte. Les mésanges gardent la forêt dans le gel. Elles n’ont pas le snobisme des hirondelles qui vont passer l’hiver en Egypte ».

Adaptation personnelle du credo communiste auquel Rosa Luxemburg a sacrifié sa vie : « Refuzniks de tous les pays, gagnez les bois ! Vous y trouverez consolation. La forêt ne juge personne, elle impose sa règle. Elle dispense sa fête annuelle à la fin du mois de mai : la vie revient et les taillis se gonflent d’une fièvre électrique ».

Les nombreuses beuveries à la vodka ponctuent l’amitié franco-russe : « le rabot de la vodka sculpte notre gueule de bois ». Le portrait de ces Russes des confins constitue un attrait du livre, comme les dures explorations de son milieu environnant par des températures forcément sibériennes.

L’écrivain progresse dans ses lectures, ses expéditions et ses réflexions et son style connaît de brutales dénivellations.

La sécheresse des phrases arides qui rendent bien la difficulté physique lorsqu’il explore son environnement fait place à des aphorismes navrants et des descriptions d’une préciosité superfétatoire lorsqu’il est bien au chaud. Le confort ne convient pas à son écriture.

 « 30 mars Un saut à la cascade de glace aujourd’hui par un nouveau chemin. Je remonte la première vallée au sud de ma cabane et à l’altitude de 1 000 mètres entreprends un long contournement de l’épaule. Je passe l’arête, quelques gendarmes de granit pourri percent la couche de neige. Je continue à flanc de pente sur la neige durcie. Parfois une coulée de pins nains ruine mes efforts ».

Et puis : « La nature est tout à la joie d’avoir obtenu l’usufruit d’un nouvel été » ou « Dans la taïga, je préfère moissonner les instants de félicité que m’enivrer d’absolu ».

Que dire de l’épouvantable « Plus tard, une lune couleur saumon remonte le courant de la nuit pour aller pondre dans un berceau de nuages son œuf unique et monstrueux. En termes plus simples, elle est pleine et sanglante » (p.223) ?

Il me semble que lorsqu’on est maître de son temps jusqu’au vertige, lorsqu’un paysage aussi grandiose est devenu son univers, on doit avoir envie de gommer toutes les scories, les à-peu-près, pour restituer la quintessence de ce qui vous porte.

Alors pourquoi tant d’aphorismes du style « le paysage, repos de la géologie » et de phrases définitives comme « l’imprévu de l’ermite sont ses pensées » ?

« La nature frôle le kitsch sans y verser jamais », écrit Sylvain Tesson page 248.

La nature, peut-être, mais l’auteur ?

 Sylvain Tesson  Dans les forêts de Sibérie Gallimard 2011

Le petit volume des Carnets de l’Herne qui contient les lettres de Rosa Luxemburg commence par le texte Dans l’asile de nuit, qui donne son titre à l’ouvrage et fut publié le 1er janvier 1912. Dans ce texte d’une actualité et d’une modernité troublantes la militante s’indigne de la condition faite aux ouvriers alors qu’une minorité prospère d’une manière indécente.

Suivent les Lettres de ma prison adressées de juillet 1916 à octobre 1918 à Sonia Liebknecht, la femme de Karl Liebknecht, co-fondateur avec Rosa du mouvement Spartakus qui deviendra plus tard le parti communiste allemand.

Ces lettres sont d’une fraîcheur étonnante vu le contexte, aucune plainte, contiennent des descriptions d’une précision quasi botaniques des plantes que Rosa peut voir, mais d’une poésie et d’une légèreté incroyables. Elle parle de ses lectures, des poésies dont elle se souvient, de celles qu’elle voudrait lire, ne se plaint jamais mais s’inquiète au contraire pour sa correspondante. Aucune affectation dans son attitude, seulement une générosité et une attention aux autres sans pareilles.

Rosa Luxemburg n’a pas choisi la solitude, sa claustration est due à son engagement politique : pour rendre les hommes heureux il faut les libérer du Capital, pense-t-elle.

Ses lettres ne parlent jamais de politique, Rosa ignore que sa correspondance privée avec son amie Sonia sera publiée après son assassinat, un an plus tard, elle écrit comme elle sent.

Pourtant quel style ! quelle puissance d’émotion ! Lorsqu’elle décrit les arbres en fleurs de la cour de sa prison de Wronke où elle peut rester de longs moments dans la cour, lorsqu’elle décrit le ciel dans la prison de Breslau, puisqu’elle ne peut rien voir d’autre, quelle précision, quelle attention aux détails ! Le style est uni, aussi vibrant dans le texte qui sera publié que dans la correspondance privée.

C’est la vibration de la vie, la façon dont Rosa la révolutionnaire ressent les choses qui transforme sa vision du monde et l’amène à un état de joie profonde :

« Je suis étendue là, toute seule, enroulée dans les plis sombres de la nuit, de l’ennui, de la captivité, et cependant mon cœur bat d’une incompréhensible joie intérieure, d’une joie nouvelle pour moi, comme si je marchais sur une prairie fleurie par un soleil radieux. Et je souris à la vie dans l’ombre de mon cachot, comme si je possédais un secret magique, par lequel tout ce qu’il y a de méchant et de triste se transformerait en clarté et en bonheur. Je cherche en vain une raison à pareille joie, mais je ne trouve rien et ne peux rester que dans l’étonnement. Je crois que le secret n’est rien d’autre que la vie même ; l’obscurité de la nuit est profonde et douce comme du velours, si on sait bien la regarder ».

Tant de pages lumineuses et bouleversantes !

Rosa Luxemburg tient sa sérénité, sa joie de vivre, son attention aux autres de la vie même. Pourtant l’enfermement lui pèse même si elle ne s’appesantit pas. « C’est le troisième Noël que je passe en sarrau. Ne le prenez pas au tragique. »

La privation de liberté est évoquée par ricochet, jamais une plainte :

« 24 mars 1918 (…) Regardez donc, voilà le printemps, les jours s’allongent et s’éclaircissent, et dans les champs il doit y avoir certainement beaucoup à voir et à entendre.

Vous devriez sortir beaucoup, le ciel est en ce moment si intéressant et si varié, avec la course rapide et inquiète de ses nuages ; et la terre calcaire encore nue doit être belle dans cette lumière changeante. Rassasiez vos yeux de tout cela pour moi, voulez-vous ?… ».

Rosa se prend de passion pour les oiseaux, les nourrit, sait reconnaître leurs chants, les aime comme des individus :

« Il y a des gens qui, depuis des dizaines d’années habitent cette rue plantée d’ormes, et qui ne se doutent pas de quoi a l’air un orme en fleurs ; on rencontre le même manque de curiosité vis à vis des animaux. Au fond, la plupart de ces citadins sont de vrais barbares…

Pour moi, c’est le contraire : l’affinité profonde qui me relie à la nature vivante « en dépit de l’humanité » (en français dans le texte) prend des formes presque maladives, ce qui je suppose est un effet de mon état nerveux. En bas, dans la cour, un couple d’alouettes huppées vient d’avoir un petit, les trois autres sont probablement morts. Et le petit sait déjà fort bien courir (…) C’est ainsi que, du fond de ma cellule, je suis attachée par mille petits liens imperceptibles à des milliers de créatures petites et grandes, prenant à cœur tout ce qui les concerne, m’inquiétant et souffrant pour elles, me faisant même des reproches à leur sujet… »

Sa dernière lettre à Sonia date du 18 octobre 1918 et se termine par un message d’espoir :

« (…) ils ne peuvent plus me garder longtemps en prison, et Karl aussi sera bientôt libre. Attendons donc pour nous revoir que nous puissions le faire à Berlin. »

Nous connaissons la tragique fin qui l’attend, elle appartient à l’histoire. Mais les lettres de Rosa Luxembourg, lisez les de toute urgence, elles sont l’expression même du bonheur d’exister.

Dans l’asile de nuit
Luxembourg, Rosa
Carnets de l’Herne, 2008, 124 p., 9,60 €
ISBN : 9782851976642

Dans les forêts de Sibérie
Tesson, Sylvain
Gallimard, septembre 2011, 265 p., 18,50 €
ISBN : 9782070129256

Shares

Eloge de la lecture et du lit

Shares

Eloge de la lecture au litLongtemps je me suis couchée de bonne heure, avec un livre ou un homme, mais vraiment de très bonne heure.

C’était bon de caresser les pages ou la peau, de lire le frisson de l’autre en même temps que les mots, c’était bon d’être au lit avec la lumière du jour, quand tout le monde regarde la télévision. Carré bleu ou carré gris, moi c’était au lit que je regardais le ciel, et l’homme dans mon lit, et le livre sur mon lit.

Il me rejoignait très vite, et je ne savais pas et lui non plus si ce soir-là je partirais pour de lointains voyages, ou avec lui, plus loin encore, morsures et râles et mots fous dans des regards agonisants. Nous allions si loin que parfois j’étais étonnée de me retrouver dans mon lit : c’était vraiment un drôle de navire, chaud et doux, jamais au bord du naufrage.

C’est sécurisant, un lit, comme un compagnon dont on connaît chaque centimètre de peau. Et l’homme, cet homme reconnu, élu, capté comme un rayon de soleil, cet homme si chaud, si tendre, si prenant, cet homme si bien dans le lit – de bonne heure, vraiment de très bonne heure.

A l’heure du coucher du soleil, nous étions si bien au lit, avec un livre, voyageurs immobiles, l’esprit ou les sens en éveil, solidaires mais embarqués dans une histoire différente, si proches à se donner de la chaleur lorsque l’histoire faisait trop frissonner, ou à partager une page lorsque vraiment c’était si fort qu’on ne pouvait pas le garder pour soi. C’était une belle heure pour la lecture et l’amour, une belle heure pour les échanges de vue et de peau, les corps à corps un peu rudes et les concentrés de tendresse ou de folie.

Et puis arrivait la nuit, et le moment où tout le monde éteint la télévision. Carré bleu, carré gris, enfouissement dans les draps pour tout le monde, livre sur la table de chevet, au chaud, tout contre, tout contre, héros de papier et chair accolée, pour la nuit des hommes.

Longtemps je me suis couchée de bonne heure, pas question de m’endormir aussitôt comme le petit Marcel, pas de temps perdu, seulement la conscience d’exister, là, maintenant, dans le lit, un livre et un compagnon à portée de main.

Shares

Le panier

Shares

Le panier de MaxToutes les semaines je vais acheter des œufs chez pépé Max et mémé Lulu.

Pépé Max et mémé Lulu, tout le monde les appelle comme ça, on ne leur donne pas leur nom, on ne leur donnerait pas du monsieur ou du madame, cela semblerait une incongruité. Ce sont les seules vieilles personnes du hameau de montagne où nous nous sommes posés que l’on traite avec autant de tendresse et de familiarité.

Ils forment un joli couple, le pépé Max et la mémé Lulu.

Elle a des problèmes avec ses jambes : Un enfant dans le ventre et un autre sur les bras, tu le paieras un jour me disait ma maman. Elle avait raison : voyez comme mes jambes me font mal !

Elle montre ses jambes douloureuses, lui ne dit rien, il la regarde avec tendresse : elle a de la peine à marcher, elle souffre dans son corps de toutes ces années de labeur à la ferme, avec les enfants, les vaches, la maisonnée à faire tourner. Elle lui a donné une belle famille, c’est sûr. Et quand il la contemple, il pense à la jeune fille rougissante qui était montée du chef-lieu pour rencontrer sa famille.

Les deux au jardin :

–       Je te dis qu’il faut pas semer les carottes maintenant, pas dans ce carré, c’est un comble ce que tu es têtu !

–       Et pourquoi je ne pourrais pas semer là, tu peux me le dire ? Tu n’y connais rien !

–       Ah ça ! Pour sûr on ne mange rien, depuis cinquante ans que je fais le jardin…

–       Je n’ai pas dit ça, je dis que tu es têtu !

Depuis chez nous on entend deux vieilles voix bourrues qui se répondent en écho en une partition parfaitement rôdée. Les disputes potagères des vieux époux amusent tout le monde. Ces deux là, si enracinés l’un dans l’autre, il faut bien qu’ils prennent un peu d’air, et la divergence sur telle ou telle culture c’est leur manière de prendre de l’influence sur leur vie.

L’hiver s’écoule lentement, mon ventre s’arrondit, je vais chercher des œufs. Depuis quelques semaines j’étudie avec une curiosité vaguement ethnologique la progression du panier que fait Max. Il est allé chercher des osiers dans une haie. Il les prépare soigneusement, les assouplit. La botte jonche le sol de la cuisine, il fait chaud et doux. Mémé Lulu prépare le thé. J’observe les gestes lents, précis : le panier s’ébauche ; d’abord l’ossature et cela ressemble à une caravelle de Christophe Colomb. Pansu, ventru, le panier semble vouloir une assise la plus large possible pour ne pas tanguer sur la terre. Chargé de fruits ou de légumes, il ne versera pas. De conversation en conversation, les vieilles mains font avancer l’osier.

–       Quel motif on va lui mettre, sur ce panier, qu’est-ce que vous aimez ?

Je comprends alors que ce qui s’ébauche m’est destiné. Le panier s’arrondit au rythme de mon ventre, il sera fini pour la naissance du bébé. Pépé Max ne se presse pas, il a tout l’hiver. Il écorce l’osier à certains endroits, ça sent bon dans la cuisine, une légère odeur un peu amère, une fraîcheur au cœur de l’hiver, une attente de printemps. C’est beau. C’est rassurant. Ce bébé-là ne peut être que solide, et fort comme le panier, il portera de grandes espérances, il sera riche de tout ce qu’il saura créer.

Le panier est fini, il doit sécher. Attente.

Enfin le bébé est là, solide. Le panier qui est maintenant dans ma cuisine pourrait presque lui servir de berceau. Il est très beau, très solide. Je m’en sers tout le temps. Il ne craint ni la terre ni le poids des légumes.

Le bébé est devenu presque adulte et Max est mort depuis longtemps. Le panier n’a pas bougé, simplement le blanc éblouissant de l’osier écorcé est devenu gris, il restera toujours dans la cuisine, à portée de main et de cœur et lorsque je vais dans le jardin, mon panier à la main, j’ai tout mon temps. Il faut du temps pour les choses solides, une large assise pleine de lenteur et de sérénité.

Shares

Louis Favre en pleine lumière

Shares
Mission et calvaire de Louis Favre

Editions Cabédita

La biographie de Louis Adrien Favre  (extrait) aux Editions Cabédita est désormais disponible en France et en Suisse. Si votre libraire favori ne l’a pas en rayon vous pouvez toujours le faire commander.

La carrière du livre a débuté durant  ce grand événement régional qu’est le Salon International du livre et de la presse de Genève, avec journée de dédicace et une conférence le jour de l’ouverture du salon.

Voici le compte-rendu avec photos de la journée du 25 avril.

Le dossier de presse comprend deux volets: la presse française et la presse suisse.

Shares