Télescopage poétique dans le cosmos

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comèteTrouvé page 44 dans un article de Sciences et Avenir de mars 2015 intitulé Enquête cosmique sur les origines de la vie ce magnifique télescopage poétique :

La mission américaine Stardust (2004) a d’ores et déjà rapporté de la glycine retrouvée dans la chevelure d’une comète.

De la glycine dans la chevelure d’une comète. Ce mauve tendre qui dispense en odeurs suaves l’enchantement des premiers beaux jours, ces longues grappes pendantes si délicates retrouvées dans les cheveux de glace d’une comète errant dans l’infini intersidéral. Du mauve, du blanc, du gris, du noir profond. Un tableau magnifique.

Bien sûr cela n’a rien à voir avec ce qui enchante les astrochimistes : la glycine est un acide aminé, le plus simple et le plus petit, et sa présence sur une comète accrédite l’hypothèse des chercheurs selon laquelle l’origine de la vie sur terre pourrait être d’origine extraterrestre.

Dans les deux cas, cette glycine retrouvée dans la chevelure d’une comète apporte son lot de rêve, vous ne trouvez pas?

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Le corps des Français devient propriété de l’état

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transplantationsUne  loi sur la santé a été votée en première lecture par les députés le mardi 14 avril : qui en a parlé dans nos journaux tout occupés de la chaleur estivale régnant sur le pays ?

Cette loi est pourtant fondamentale : elle institue la mainmise de l’État sur le corps de tous les Français. Tous les Français majeurs deviennent désormais des donneurs présumés consentants, à moins d’avoir signifié leur refus en s’inscrivant au registre national du refus de dons d’organes.

Qui a connaissance d’un tel registre ? Quel jeune de dix-huit ans, à l’âge où l’on se croit immortel, va demander un tel formulaire et l’envoyer par la poste ?

C’est une OPA massive et brutale sur la population qui vient de passer en première lecture à l’Assemblée nationale. En cas de mort accidentelle, les proches n’auront plus leur mot à dire pour le prélèvement d’organes, ils seront seulement informés et plus consultés, mis devant le fait accompli. Alors qu’ils viennent d’apprendre la mort de leur enfant des médecins leur diront ce que l’on va prélever sur le corps de celui-ci.

Bien sûr que cela permettra de sauver beaucoup de vies, tant de gens se trouvent en attente d’une greffe ! Près de 20 000 personnes attendent qui un cœur, qui un poumon ou une cornée. Elles attendent la mort de quelqu’un pour avoir la possibilité de prolonger leur propre vie. Difficile situation par la notion de don volontaire.

Jusqu’à présent une équipe était chargée de préparer les proches, elle était à l’écoute de leur souffrance malgré les délais très courts, seulement quelques heures avant que les fonctions du corps commencent à se dégrader.

Il est vrai que près de 40% des familles refusent que le corps de leur enfant, parti à l’école ou chez des copains et qui a tardé à revenir à la maison soit découpé en morceaux. On leur explique que l’on va prélever les cornées, le cœur, les poumons, les reins. Qui est assez fort  pour ne pas secouer la tête avec horreur ? Et puis la souffrance laisse la place à la générosité dans 60% des cas grâce au tact et à l’empathie de ceux qui se trouvent en face d’eux.

Je ne saurai que trop vous recommander de lire le magnifique livre de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants qui traite de ce douloureux sujet.

Cette loi est d’une brutalité terrible. Il ne s’agit plus désormais de don d’organe mais de prélèvement autoritaire. Je ne suis pas sûre que la médecine gagne en humanité. Les listes d’attente vont diminuer et beaucoup plus de receveurs vont vivre, c’est positif. Mais là où ils étaient conscients de la valeur du don que des familles dans un état de souffrance absolue avaient accepté, ils  se retrouveront ’avec un organe autoritairement prélevé. Je gage que nombre de problèmes psychiques nouveaux vont apparaître chez les receveurs…

Pourquoi ne pas envoyer au domicile de tout Français (ainsi qu’à chaque jeune atteignant sa majorité) une lettre expliquant le don d’organe en lui demandant son accord pour ce geste citoyen au cas où un malheur arriverait ?  Libre à la personne de refuser.

Un consentement éclairé d’un être en pleine conscience vaut beaucoup mieux qu’’une souffrance brutale. Pour le personnel hospitalier, pour les familles, pour les malades. En fait pour nous tous.

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Les désengagés, à dégager

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Les DésengagésPour une fois je voudrais parler d’un roman qui représente pour moi exactement la théorie du goût creux appliquée à la littérature : un camembert industriel a si peu de goût que vous en reprenez encore et encore, à la recherche de ce que vous étiez venus chercher. Les Désengagés  de Frédéric Vitoux de l’académie française (comme si c’était  un gage de qualité) est un livre creux tout en références littéraires et en rappels du petit monde de l’édition avec vrais journalistes connus à la clé et compositions transparentes d’éditeurs pour les intimes.

L’argument : le jeune Octave, apprenti écrivain rencontre Marie-Thérèse, la quarantaine entamée en octobre 1967 chez un disquaire. Suivent une vingtaine de pages de bavasseries musicales pour montrer l’érudition de l’auteur, amateur manifeste du Chevalier à la rose.  Ces deux-là  deviennent amants illico, comme cela tombe bien : la quadragénaire est lectrice dans une maison d’édition !

Las, nous sommes à l’aube de mai 68 ; cela dit, à la page cent cela ne faisait pas encore de différence pour nos héros du triangle amoureux classique (il faut ajouter la jeune Sophie) qui portent les noms des héros du Chevalier à la rose. Quand on ne sait pas quoi écrire on multiplie les références culturelles, cela impressionne (ou cela irrite) et les pages s’écrivent toutes seules.

Vous l’aurez compris, ce roman m’a semblé boursouflé, plein de suffisance pour tout dire. Que suis-je venue faire dans cette galère ? Attirée par la jolie idée dont parle l’auteur sur la quatrième de couverture :

 Je me suis souvent demandé quels écrivains avaient été assez malchanceux pour publier un livre en avril ou mai 1968. Le point de départ – malicieux – des Désengagés est né de cette interrogation-là.

Un petit exemple du style du livre. C’est Marie-Thérèse la quadragénaire qui s’exprime mais on dirait que l’auteur ne sait pas que les femmes de 1968 ne ressemblaient pas aux héroïnes de Stendhal ou de Balzac : elles brûlaient leur soutien-gorge et s’éclataient avec de jeunes amants.

Elle pouvait retrouver, impunément, cette douceur, cette suavité, ou cette tendresse baignée d’indulgence qu’aucune jeune fille n’exprimera jamais, tout occupée qu’elle est à trancher dans ses désirs, ses impatiences ou ses peurs, mais qui sont le privilège des femmes de trente, quarante ans ou plus, que la vie semble avoir polies, à qui les chagrins, les déceptions, les amours passées ou les espoirs qui vont s’étrécissant ont conféré une forme d’indulgence qui sait faire l’économie d’illusions inutiles – car ce sont les illusions qui sont blessantes, qui attaquent le granit de la vie, ce sont elles qui se fracassent, tout comme la jeunesse finit tôt ou tard par se désintégrer.

C’est téléphoné, la malheureuse nous annonce la fin avant d’avoir effleuré le jeune Octave, Maintenant faites comme vous vous voudrez. Moi je vais écouter la musique sublime de Strauss, la version Giulini, bien sûr… J’aurai au moins retenu quelque chose de cette lecture.

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Le mec de la tombe d’à côté, rires et réflexion assurés

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Le mec de la tombe d'à côtéQui a oublié de lire ce roman moins léger qu’il paraît ? Il a connu un succès inattendu et mérité il y a une dizaine d’années. Un livre drôle pour changer, qui vous fera souvent éclater de rire. Mais, pour peu que vous apparteniez à la classe trente ans et plus, que vous soyez une femme et que l’horloge biologique vous titille, que vous soyez un homme, même classe d’âge, en train de s’interroger sur la suite de sa vie, ce petit livre imprimé sur un atroce papier rose va vous mettre en face de vos questionnements intimes. Désirée, bibliothécaire, trente-cinq ans et Benny, trente-sept ans, paysan balourd sont foudroyés par l’amour au cimetière. Las, les tombes du conjoint pour la première, des parents pour le deuxième, indiquent que l’histoire ne sera pas simple. Design écolo chic contre kitch débordant de plantes. Le ton est donné. Désirée « la crevette » ne sait rien faire de ses dix doigts et Benny a besoin de quelqu’un pour l’aider à la ferme maintenant que sa mère est morte.

Intellectuelle chic contre paysan au fumet de fumier. Choc culturel et sociologique, éclats de rire garantis mais aussi beaucoup plus, des interrogations fines sur le temps, la notion d’amour, de couple, de réussite personnelle.

Si, comme moi, vous aviez snobé ce succès populaire, précipitez-vous : dès la deuxième page vous aurez oublié l’épouvantable papier entre deux accès de rire.

Un petit extrait du premier chapitre comme mise en bouche :

Méfiez-vous de moi !

Seule et déçue, je suis une femme dont la vie sentimentale n’est pas très orthodoxe, de toute évidence. Qui sait ce qui pourrait me passer par la tête à la prochaine lune ?

Vous avez quand même lu Stephen King ?

Juste là, je suis devant la tombe de mon mari, assise sur un banc de cimetière vert bouteille lustré par des générations de fesses, en train de me monter la tête contre sa dalle funéraire.

C’est une petite pierre brute et sobre gravée seulement de son nom, Örjan Wallin, en caractères austères. Simple, presque à outrance, tout à son image.

Un livre à l’écriture simple et efficace qui multiplie les situations désopilantes et montre avec finesse la difficulté pour les jeunes femmes actuelles de choisir leur vie. Quant aux paysans de toute l’Europe, entre la peine à vivre de l’élevage et à trouver une femme, s’ils réussissent à distraire quelques minutes par jour de leur travail, ils se reconnaîtront dans Benny le Suédois esclave de ses vingt-quatre vaches et de son banquier.

Vous le trouverez maintenant sous une nouvelle édition chez Gaïa et dans la collection Babel chez Actes Sud à un prix plus doux.
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Tragédies aériennes et traitement des victimes

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Sur les lieux du crash de l’A320. Photo AFP. Site Le Dauphiné.

Pendant une semaine les images ont tourné en boucle, toujours la même photo du jeune copilote souriant de l’Airbus A320 qui a entraîné avec lui 150 personnes dans la mort le 24 mars 2015. Maintenant que l’enquête avance et que l’on connaît avec certitude les causes de cette catastrophe, on en est à l’évacuation des débris, à celle des corps également. Un très grand respect des victimes et des familles, une humanité empathique, que ce soient les sauveteurs, pompiers, policiers, professionnels de la montagne ou population locale.

Je ne peux m’empêcher de comparer cette gestion exemplaire de la catastrophe avec la façon dont ont été traitées les victimes des deux seules catastrophes aériennes civiles au-dessus du Mont-Blanc.

C’était en 1950 et 1966, et chaque fois des avions d’Air India. Il y a des images pour le premier avion, le Malabar Princess, mais pour le deuxième, le Kangchenjunga, elles sont beaucoup plus impressionnantes. Les archives de l‘INA  (hélas, impossible de supprimer la publicité qui précède, soyez patients cela en vaut la peine) montrent les mêmes débris éparpillés sur le glacier des Bossons, à côté du sommet du Mont-Blanc. La même impression d’émiettement, de violence, d’effroi. Les images ont presque cinquante ans, rien à voir avec les images en couleur très nettes que nous avons vues à satiété. Rien à voir non plus avec la façon dont ont été traitées à l’époque les victimes du crash.

Que ce soit pour le Malabar Princess ou le Kangchenjunga on a procédé à l’époque d’une façon particulièrement indigne avec les victimes.

Les corps ont été jetés dans les crevasses du glacier, glacier des Bossons côté français et glacier du Miage côté italien. 48 personnes à bord d’un Constellation le trois novembre 1950, certaines carbonisées sur leur siège ; 117 personnes à bord du Boeing 707-437 qui s’est pulvérisé contre la montagne le 24 janvier 1966. Seulement sept corps intacts, dont certains, non réclamés, ont été remis dans un hélicoptère et jetés sur le glacier.

Contrairement à l’avion qui nous bouleverse tous, on n’a jamais su exactement ce qui était arrivé. Dans les deux cas on a chargé le pilote pourtant expérimenté (le deuxième avait même été chargé du transport du pape Jean-Paul II). Dans le premier avion qui n’était pas un vol régulier et transportait théoriquement uniquement des marins illettrés, on a suspecté l’incertitude des instruments d’altitude de l’époque. Pourtant la gestion surprenante de cette catastrophe, les objets inattendus que les sauveteurs qui ont bravé l’interdiction de monter sur les lieux ont trouvés, le battage médiatique et le mystère qui ont entourés cette catastrophe hantent encore la vallée de Chamonix. Quant au deuxième avion il transportait le père de la bombe atomique indienne, le professeur Homi J. Bhabba. Explosé en plein vol. Des débris qui ressemblent à ceux de l’Airbus 320… et des archives tenues secrètes pour des décennies.

Le Kangchenjunga recèle tant de mystères que j’en parlerai plus tard sur mon blog puisqu’il est le sujet du roman dont je poursuis actuellement la réécriture.

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