Encore la guerre

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munch_TheScreamBien sûr que nous voudrions un monde apaisé où on ne transformerait pas une petite fille en bombe, où on n’enlèverait pas des centaines d’adolescentes, où on ne massacrerait pas d’une manière atroce des populations entières, où on ne décapiterait pas les humanitaires et où la Kalashnikov se trouverait dans le musée des horreurs, mais comment s’arranger avec la réalité ?

Je lis des livres pour oublier la fureur et le sang, je fais des compte-rendus dans ce blog comme si c’était une chose importante et que la littérature pouvait sauver le monde.

Je voudrais panser les plaies avec des mots, donner une sorte de fraternité aux victimes pour que leur solitude soit moins intense, qu’à travers l’empathie de celui qui écrit et de ceux qui lisent un peu d’humanité se coule en baume sur les plaies vives.

Car les événements ne s’effacent jamais. Ils tournent en boucle, déterminent l’existence de ceux qui ont été confrontés à la mort d’une manière insupportable et ne s’en souviennent plus. Mais certaines scènes resurgissent comme des pantins malfaisants dans les périodes de fragilité, creusant leur sillon d’horreur et de désarroi : c’est toujours la guerre pour ceux qui ont subi de plein fouet les aléas de l’Histoire.

Leurs parents étaient résistants ou collabos, Juifs ou SS, pétainistes ou gaullistes, ils étaient petits, ils n’ont pas compris ce moment terrible où leur vie a basculé. Enfants cachés, fils de « terroristes » ou de « collabos », la bonne conscience des gens bien les poursuit, module leurs réactions d’écorchés vifs, leur sentiment de culpabilité parfois. Les adultes qui ont survécu à cette guerre sont morts pour la plupart d’entre eux mais l’histoire familiale se perpétue en ricochets destructeurs et dans certaines régions des haines recuites ne sont pas prêtes de s’éteindre.

J’ai déjà écrit un certain nombre de nouvelles pour le recueil Après la Guerre, d’autres attendent des autorisations morales. Je ne sais pas à quel rythme les publier ni même si cela intéressera les lecteurs ; l’horreur qui naît de la barbarie et de la souffrance humaine trouve peu d’écho en ces temps d’incertitude planétaire.

J’écris malgré tout, pour qu’il n’y ait plus d’enfants terrifiés et de parents désespérés, j’écris parce que les mots c’est comme la peinture ou la musique, une tentative dérisoire de fraternité.

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Les Chaussures rouges et marron, deuxième nouvelle du recueil

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Couv_Blog_1ere Après Le Capitaine SS voici Les Chaussures rouges et marron, la deuxième nouvelle du futur recueil Après la guerre.

La nouvelle sera disponible sur Amazon.fr, et sur toutes les autres plates-formes d’Amazon au prix de 0,99 euros au plus tard ce week-end.

Nous retrouvons Jean-Claude et sa famille cinq ans après la guerre dans un moment où les souffrances et humiliations des orphelins de la Résistance sont évoquées en filigrane.

En voici un petit extrait :

La guerre. Cet affreux équarrissage. Le mari de Léonie était menuisier-ébéniste, il possédait son atelier, une honnête aisance, et le trou qu’il a laissé dans sa famille est gigantesque. Léonie avance en équilibriste sur le fil de la misère, comme si celui du chagrin et du manque ne suffisait pas. Trois garçons à élever dont le dernier n’avait pas deux ans lorsque son père est mort brûlé vif dans la chute de la maison. Et ce vide autour d’elle et de ses enfants, cette hostilité patente envers les petits orphelins que les gamins du village appellent les fils du terroriste. La solitude de Léonie, sa rage contre tous ces bien-pensants résistants de la dernière heure qui détournent les yeux devant elle. Pas un ne lui a tendu la main. Le salut est venu des Suisses.

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L’Île du Point Némo, conjonction de littératures

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liledupointnemo-l-572097Qui n’a pas encore lu L’Île du Point Némo de Jean-Marie Blas de Roblès, ce pavé diabolique de près de 500 pages que l’on peut aborder d’innombrables façons ? Qui ne s’est pas encore laissé embarquer dans cette enquête improbable et jubilatoire à la recherche d’un diamant en compagnie d’un milliardaire opiomane. Martial Canterel, et de son ami Holmes, John Shylock de son prénom ?

Martial Canterel, cela vous dit quelque chose ? C’est le nom du héros de Locus Solus, le roman de Raymond Roussel, et par cette brillante allusion l’auteur nous signale que son roman sera particulièrement déjanté.

Reprenons : le fameux diamant Anankè a disparu pendant que trois pieds droits chaussés d’une basket de la même marque apparaissaient dans les environs du château écossais de la belle et mystérieuse Lady MacRae que Martial Canterel a autrefois intimement connu. Le fruit de cette connaissance s’appelle Verity.

Anankè, la nécessité, la contrainte à l’origine du roman, l’objet dont le vol nécessaire sera prétexte à une poursuite échevelée, Anankè et Notre Dame de Paris, les Misérables, les Travailleurs de la Mer : voilà le grand Victor concurrencé dans sa logorrhée et son amour des détails !

Le majordome noir de Holmes s’appelle Grimod de La Reynière, mélange de Grimaud, le valet d’Athos dans Les Trois Mousquetaires et du feuilletoniste Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière qui était né sans doigts, vous comprendrez vite l’utilité de la précision, quant à Alexandre… Stop !

Je vous laisse repérer les clins d’œil littéraires ; reprenons :

Prenez des personnages tout droit sortis des poids lourds de la littérature du XIXe siècle, feuilletonnistes assumés ou préoccupés de la postérité, assaisonnez d’écrivains moins repérables du XXe, n’oubliez pas qu’Anankè signifie contrainte et jouez avec la narration. Ajoutez des strates et des fractures temporelles pour dérouter le lecteur, des personnages secondaires truculents pour l’enchanter comme le cruellissime assassin l’Enjambeur Nô, quelques prostituées asiatiques particulièrement douées, un Chinois colombophile à la libido perverse qui dirige une usine de liseuses électroniques, le docteur Mardrus, expert es sexualité des calamars (et traducteur des Mille et une Nuits dans la réalité…), etc.

Voilà que je recommence. La faute à ce roman dont on ne sait jamais ressortir, quitte à prendre une indigestion parce que Jean-Marie Blas de Roblès ne sait pas faire maigre. Il faut toujours qu’il rajoute un peu d’épices salaces, de rêves et d’événements incroyables et merveilleux. Lisez la table pages 459 à 461 pour avoir une idée de ce kaléidoscope de jeux de mots limites et jubilatoires. Il n’hésite pas à faire scabreux ou potache :

— Sanglard ? s’exclama le docteur Mardrus avec transport. Le Sanglard de « Un coup à l’aveugle : comportement sexuel désorienté chez un calmar des abysses », le brillant article paru dans les Biology Letters de la Royal Society ?

Les Derniers télégrammes de la nuit qui ponctuent le récit jouent dans le registre de l’absurde :

Choses qui affolent les sens et boursouflent le sexe derrière la braguette :

Le voyant aveugle prophétisait en tétant les seins de ses consultantes. Son futur est à Fresnes.

Il ne s’embarrasse pas non plus de subtilités, copiant la désinvolture de Victor et d’Alexandre :

 Comment nos amis se retrouvèrent indemnes sur le rivage de Melville Island, au nord du continent australien, et par quels expédients ils réussirent à continuer leur voyage jusqu’à destination, c’est ce que nous nous permettons d’omettre pour ne pas rallonger inutilement notre récit.

Tout se mêle dans ce roman d’aventures excessif et palpitant (et parfois fatigant, vite, faites une pause) : le Crime de l’Orient Express, l’Île au Trésor, Moby Dick, le Transsibérien avec une attaque de fous de Dieu absolument superbe, le voyage en ballon, ils sont tous là, les livres et les auteurs qui ont enchanté notre enfance, et lorsque nous atteignons enfin les rivages de cette Île du Point Nemo nous savons que nous arrivons à destination et que l’intrigue va se dénouer.

Mais il y a longtemps que nous avons compris que l’essentiel était ailleurs que dans cette histoire rassemblant tous les poncifs de la littérature d’aventure et les préoccupations écologiques de notre époque :

Toute phrase écrite est un présage. Si les événements sont des répliques, des recompositions plus ou moins fidèles d’histoires déjà rêvées par d’autres, de quel livre oublié, de quel papyrus, de quelle tablette d’argile nos propres vies sont-elles le calque grimaçant ?

Une seule façon de lutter contre ce vertige, cette angoisse des mises en abîme infinies : accepter tout ce qui façonne et alimente l’imagination, entre lectures passées et angoisses personnelles, il finira bien par émerger une pépite :

C’est étrange la manière dont l’imagination fonctionne, et comme elle s’apparente au rêve. On prend un bec par ici, une patte par là, un plumage, des écailles luisantes, et une machine en nous les recompose pour en faire une créature nouvelle, un collage monstrueux de bribes, de choses vues, de lectures oubliées, de peurs enfantines qui reviennent, s’agglomèrent dans la nuit pour former des îles, des continents noirs. De l’aléatoire programmé, du factice. Strictement rien qui ne naisse d’un recyclage, d’une laisse de mer sur la grève. Nous sommes agis par des marées que nous ne maîtrisons pas, mais de temps à autre, il en advient un bois flotté dont l’énigme semble avoir la puissance de modifier le monde.

Quand Dulcie, la femme haïtienne d’Arnaud Méneste s’éveille enfin, elle commence à lire Narragonia le livre d’Arnaud. Tant il est vrai que dans la façon de raconter une histoire, tout est une question d’angle de vue.

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Charlie Hebdo: sidération et malaise

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La semaine passée la France a connu un véritable séisme, le pire des scénarios possibles : des terroristes musulmans attaquant un bastion anarchiste libertaire puis une épicerie juive.

Charlie Hebdo, symbole comme tant de gens l’ont dit de l’esprit frondeur du pays, a connu un massacre qui a laissé l’ensemble de la France dans un état de sidération. Et quand celui-ci a été suivi du meurtre de cette malheureuse jeune femme agent municipal puis de la prise d’otage de l’épicerie de Vincennes, cela fit l’effet d’une bombe : le pays se trouvait en guerre.

La France n’a jamais effacé la tache du Vél’ d’Hiv et chaque attentat contre la communauté juive réveille des peurs et un malaise profond, l’appel du premier ministre israélien encourageant les juifs de France à rejoindre leur vraie patrie n’a rien arrangé.

Ce qui a suivi ces attentats restera dans l’histoire du pays comme un moment de gigantesque sursaut républicain et de communion nationale qui a culminé ce week-end avec les manifestations les plus extraordinaires depuis longtemps.

Bien sûr…

Cependant un certain nombres de choses me gênent dans le traitement des informations par exemple. Tous les médias ont fait leur une sur les événements, mais très vite cela s’est mis à ressembler à la traque de OJ Simpson, les informations en temps réel gênant plus qu’autre chose le travail de la police. Quant aux hommages de tous bords concernant Charlie, cela a très vite viré à la grand-messe : où se trouvaient donc tous ces admirateurs aux larmes plein la voix quand le journal se trouvait au bord de la faillite ?

L’extraordinaire succès de la formule « Je suis Charlie » mérite aussi qu’on s’y attarde. Un slogan simple, percutant. Tout ce noir, peu de lettres, et toutes les significations du monde, ce qui a permis à la bourse de New York de l’afficher. La bourse de New York ! On croit rêver ! S’il existe une vie après la mort ils doivent s’étouffer de rire, là-haut !

Depuis mercredi la vie du pays s’est arrêtée, quoi de plus normal. Mais cela a vite tourné à la manipulation de masse, avec un appel à l’émotionnel extraordinaire. Où était la réflexion ? Comment était-on arrivé à de pareils drames ?

On s’est beaucoup tourné vers les services de renseignement et la police, leur travail, le nombre de terroristes potentiels, la façon de les neutraliser. Parce que nous voulons notre sécurité, bien sûr, mais à quel prix ? Tant d’émotions déployées vont-elles nous mener à une surveillance accrue de tous les citoyens, à des privations de liberté ?

On s’est aussi tourné vers la communauté musulmane : pas d’amalgame, les musulmans doivent manifester, montrer qu’ils ne sont solidaires en rien avec ce qui vient de se passer, etc.

Dans les écoles on a demandé une minute de silence, on a demandé aux enseignants (souvent de français) d’expliquer ce qui venait de se passer, la liberté qu’on assassine, etc.

Combien de journaux ont parlé des difficultés des enseignants à faire passer ce qu’on leur avait demandé de relayer ? Combien de journaux ont relaté l’hostilité des élèves, leur refus de trouver le sort des journalistes de Charlie Hebdo injuste ?

On préfère parler de quelques terroristes qu’il suffit de mieux cibler pour prévenir les attentats plutôt qu’une évolution nécessaire de l’islam vers moins de soumission à la tradition et aux imams. On préfère mettre en avant le slogan « Not in my name », pas en mon nom, d’une minorité intellectuelle musulmane courageuse plutôt que de demander à la communauté musulmane de s’inscrire dans la modernité et la tolérance. Pour plus de précisions je vous conseille la lecture de cet article d’un philosophe musulman.

Le hasard, cruel, a voulu que les attentats se produisent lors du démarrage du roman de Houellebecq, Soumission, traduction semble-t-il du mot Islam. Espérons que la fiction de l’auteur français le plus connu au monde apparaisse plus tard pour ce qu’elle est : un roman et non la projection d’un monde où il ne suffira plus de manifestations de masse pour défendre la liberté de penser.

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L’ami barbare, portrait épique et fraternel

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L'ami barbareOù se trouve la littérature suisse romande aujourd’hui ? Confinée dans des territoires intimistes où le non dit s’accumule dans le texte comme le brouillard dans la plaine du Rhône ? Coincée entre un calvinisme paralysant et le puissant voisin français ? Balivernes ! Précipitez-vous sur le dernier roman de Jean-Michel Olivier, L’Ami barbare, cette fausse biographie de Vladimir Dimitrijević le fondateur des éditions L’Age d’homme à Lausanne, une des plus belles maisons d’édition européenne. Fausse biographie tellement le vrai et le faux s’entremêlent en une passion tumultueuse, et vrai roman, grand roman. Dimitri comme l’appelaient ses proches aurait approuvé. La littérature, c’était sa raison de vivre et son ami Jean-Michel Olivier lui rend, avec ce livre trépidant, la vie qui est partie dans un dernier choc en juin 2011.

Roman Dragomir vient de mourir.

Vous voici réunis, enfin, autour de mon cercueil.

Oui, vous êtes tous là, dans la petite église, ma fille gothique et mon fils businessman, mes collègues, mes complices, mes amis de toujours, mes femmes et mes docteurs, les illustres inconnus que j’ai voulu faire connaître, les souris grises de l’Université et les dames patronnesses du Journal… Oui, tout le monde est là avec cet air de contrition qu’ont les Occidentaux lors des enterrements, alors qu’il faudrait rire et danser joyeusement autour des encensoirs, comme dans mon pays, rire et chanter toute la nuit en buvant sec et en fumant des cigarettes, car la mort n’existe pas, il n’y a que des migrations.

Sept personnes vont prendre la parole devant le cercueil, sept voix auxquelles Roman va répondre, partagé entre le spectacle qui se joue dans l’église et ses réponses peu amènes aux personnages qui l’entourent. On comprend vite que l’empathie et l’urbanité ne figuraient pas dans le catalogue du défunt. Jean-Michel Olivier prend d’ailleurs un plaisir évident à se dégommer :

Ah, te voici, grand échalas mélancolique !

Même dans la fournaise, tu portes cette longue écharpe rouge qui est ta marque de fabrique ! Pourtant, il ne suffit pas de porter une écharpe rouge pour être un écrivain, tu le sais bien, Pierre : il faut écrire des livres. Et des bons livres…

Tu as l’air affecté. Lunettes noires, cheveux brillantinés, costume de lin gris clair. Traits creusés par les nuits blanches de clope éteinte au bec. Presque une épave, Pierre ! Mais tu me connais bien : ta main tremblante dépose sur mon lit de satin une bouteille de rakia. Et pas n’importe laquelle.

Dans ce roman tout va vite, tout est excessif, loin de l’image feutrée de l’Helvétie. Il faut dire que ce Serbe sauvage a secoué le cocotier du monde endormi de l’édition lémanique, ce barbare mal éduqué et fascinant bousculait tous les codes : fini d’être entre soi voilà qu’un inconnu au pedigree invérifiable se mettait à publier à tour de bras des auteurs de l’Est, donnant un coup de projecteur éblouissant sur l’édition helvétique. Preuve absolue de mauvais goût que l’on tourne vite en sourires.

Tout se mêle dans ce roman incandescent, y compris l’épique avec l’épisode où Roman décide de devenir agent de joueurs parce qu’il a la passion du foot et qu’il lui faut se refaire car sa maison d’édition est au bord de la faillite. Trieste, Belgrade, dévastations et atrocités de la guerre, mafia locale.

Préparez-vous à un galop effréné où se mêlent le tragique et le grotesque, le naïf et l’inquiétant. Attention à tout ce qui va vous saisir dans un chaos total : une sorte de rire et de peur devant l’inconscience de Roman et la folie de l’histoire, de délectation et de malaise devant sa façon de bousculer les bien-pensants et les faibles, mais aussi une fascination romantique devant les femmes à qui l’auteur donne de très beaux rôles dans cette comédie picaresque.

Cette biographie échevelée d’un homme hors-norme, cette biographie menteuse de l’un des éditeurs les plus atypique du vingtième siècle traverse les périodes les plus sombres de notre histoire. L’enfance en Serbie avec le foot et la religion orthodoxe (le véritable Vladimir Dimitrijević est né en 1930), la guerre et les fissures entre Serbes et Croates, la création de la Yougoslavie communiste, la répression, l’espoir du Printemps de Prague, encore la répression. Tout défile dans ce livre qui n’occulte pas les dérives nationalistes et la chute de l’éditeur arrogant.

Enfin la revanche des tièdes bien de chez nous, le triomphe des intellectuels discrets !

Il est vrai que le véritable Roman s’est fourvoyé dans des dérives nationalistes, intoxiqué par ceux que l’auteur appelle les âmes noires. Mais Vladimir Dimitrijević a lutté jusqu’au bout pour la survie de sa maison d’édition, malgré les portes qui s’étaient fermées, malgré l’omerta générale ; pour faire mourir un livre pas besoin de se salir les mains, il suffit du silence des médias. Il est mort au volant de sa camionnette, en train de transporter ses livres.

L’amour des femmes, du foot, et par-dessus tout de la littérature, le tout pimenté d’âme slave – larmes abondantes et dureté – tel est le portrait qui émerge de ce roman aux multiples entrées. Impossible de résumer un être aux éléments les plus évidents de sa vie nous le savons bien : les êtres nous échappent et encore plus un feu follet comme celui que Jean-Michel Olivier s’est attaché à superbement restituer.

L’avoir prénommé Roman est une idée lumineuse à la mesure du personnage. Cette vie incroyable restituée avec intensité et humour, avec tendresse mais sans complaisance nous fait traverser presque un siècle d’histoire et découvrir que la vie dans la région de Lausanne ne ressemblait pas à une histoire de chocolats et de banques.

L’auteur fait dire au défunt :

J’ai roulé lentement, ton manuscrit sur les genoux, impatient de le lire. Je savais qu’il serait excellent.

C’est exact. Lisez si ce n’est déjà fait ce roman incandescent, presque trois cents pages d’hommage autant à un homme qu’à la littérature.

L’Ami barbare
Jean-Michel Olivier
Éditions de Fallois / L’Âge d’Homme, juin 2014, 292 p., 19 €
ISBN : 978-2-87706-877-2

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