Le livre (j’ai de la difficulté à le qualifier de roman) que Catherine Cusset consacre à la vie du peintre anglais David Hockney est si intime, si lumineux et si cru parfois, qu’il semble avoir été écrit par le sujet lui-même. Très vite, on est saisi par le texte, happé par la proximité intérieure avec le peintre, les sentiments, les vibrations de la vie. L’auteure a dû être hantée par son sujet, ressentir une connivence si intime que le texte a dû couler de source à maintes reprises, offrant au lecteur ce cadeau, cette plongée dans la vie du célèbre peintre anglais et dans l’histoire de l’art du vingtième siècle.
Catherine Cusset ne connaît pas personnellement David Hockney, elle l’explique dans l’avant-propos :
Je ne l’ai pas rencontré. Il est étrange de s’emparer de la vie de quelqu’un de vivant pour en faire un roman. Mais c’est plutôt lui qui s’est emparé de moi. Ce que j’ai lu sur lui m’a passionnée. Sa liberté m’a fascinée. J’ai eu envie de transformer une matière documentaire qui laissait le lecteur à l’extérieur en un récit qui éclairerait son trajet de l’intérieur en s’en tenant aux questions essentielles, celles qui nouent l’amour, la création, la vie et la mort. […]
Ce livre est un roman. Tous les faits sont vrais. J’ai inventé les sentiments, les pensées, les dialogues. Il s’agit plus d’intuition et de déduction que d’invention à proprement parler : j’ai cherché la cohérence et lié les morceaux du puzzle à partir des données que j’ai trouvées dans les nombreux essais, biographies, entretiens, catalogues, articles publiés sur et par David Hockney.
Le jeune David naît dans une famille dont il ne perçoit pas la pauvreté et grâce à son talent il intègre très vite une école d’art prestigieuse où règne les poncifs avant-gardistes et où il ne sait pas se situer.
Ce que tu devrais peindre, lui dit Ron un jour, c’est ce qui compte pour toi. Tu n’as pas besoin de t’inquiéter. Tu es nécessairement contemporain. Tu l’es, puisque tu vis dans ton époque. […]
Pour la première fois depuis un an, David n’avait plus de doute : il fallait peindre ce qui comptait pour lui. Il venait d’avoir vingt-trois ans. Il n’y avait rien de plus important que le désir et l’amour. Il fallait contourner l’interdit, la représentation en images comme Witman et Cafarty l’avaient mis en mots. Personne ne pouvait l’y autoriser – aucun professeur, aucun autre artiste. Cela devait être sa décision, sa création, l’exercice de sa liberté.
Moment décisif où le peintre décide de peindre des paysages, des animaux ou les gens qui font partie de sa vie en un temps où tout ce qui était figuratif était considéré comme has been. Au fil des années cela donne une autobiographie visuelle aux couleurs éclatantes correspondant à l’optimisme et à la force de vie du peintre. Continuer la lecture

Dexter, Doctor Who, où il apparaît soit sous forme de personnages soit sous forme de tableau. France 2 l’a repris 

Grant Wood flanque sa sœur et son dentiste. Il vieillit la sœurette qui se retrouve avec un austère tablier comme une fermière du siècle précédent, et il déguise également
Au moment où Grant Wood a peint son tableau, la moitié de ses compatriotes se trouvaient dans un tel état de pauvreté que des troubles éclataient un peu partout dans les villes et que des milliers de familles de fermiers se retrouvaient sur les routes ou dans des sortes de camps de réfugiés, les Hoovervilles. Cette belle maison blanche traditionnelle avec ce père et cette fille vieillissante ne faisaient rêver personne : visage figé, sévère, regard triste, on ne sait pas si l’homme tient sa fourche comme une arme pour se défendre contre d’éventuels rôdeurs affamés ou pour marquer de façon symbolique son appartenance à une communauté. Vous remarquerez que le même motif de la fourche
On dirait un jouet posé dans la solitude, tenu par les fils électriques en triangle noir dans le ciel bleu ; un jouet qui en attend d’autres pour que le jeu s’anime. Le vert du garage rappelle celui des champs, à droite de la photo. Vert amande, pâtisserie léchée amoureusement par ceux qui l’habitent et que l’on ne voit pas. Où sont-ils, ceux qui doivent animer cette maison, où sont-ils ? Pas la moindre trace d’un jardinier, d’un piéton, d’un vélo ou d’une voiture : solitude, vide, silence. Même pas un moineau ou un corbeau pour trouer le silence du ciel. 