Archives de l’auteur : Nicole Giroud

Pourquoi un titre pareil ?

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Oui, pourquoi un titre « limite imprononçable » comme l’a écrit fort justement Cassiopée dans sa critique. L’Anthogrammate ! Quelle bizarrerie ! Drôle de nom pour un roman qui raconte l’histoire d’une drôle d’institutrice, on devrait en changer si on veut avoir une chance que les lecteurs fassent l’effort de le commander.

Je vais vous expliquer pourquoi j’ai choisi ce mot que l’on ne trouve plus dans le dictionnaire et qui signifie spécialiste du langage des fleurs.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu la passion des fleurs et des mots et je sais à qui je les dois.

Ma mère qui venait de la ville et avait rêvé d’être institutrice avait épousé dans les années de pénurie alimentaire qui ont suivi la guerre un paysan qui lui avait donné (quel mot mal choisi pour une époque où on ne connaissait pas la pilule !) quatre enfants vivants, braillards et affamés. Dans un environnement où tout ce qui était planté devait être mangé, elle faisait de la résistance : le long du mur qui enserrait notre premier jardin elle semait tous les ans des volubilis d’un bleu profond, presque violet qui enchantait le grillage et le transformait en une masse colorée, un mur de conte de fées vibrant de poésie.

Je me souviens de mon éblouissement devant ces grandes corolles qui faisaient disparaître le vilain grillage à poules. Mon père ne disait rien : qu’est-ce qui aurait pu pousser contre ce mur ? Petit à petit elle s’est enhardie, elle a planté des rosiers. Notre maison suivante, plus grande, a connu aussi les rosiers contre la maison mais désormais les fleurs faisaient partie de notre vie. Si notre mère ne négligeait pas le potager elle grattait, semait, créait des massifs colorés pleins de la gaieté qui manquait à notre maison.

De l’art de semer des fleurs qui ne se mangent pas comme acte de résistance contre le quotidien. De la beauté pour ne pas oublier que l’être humain a besoin de s’élever vers plus grand que lui.

Ma mère lisait, aussi. Dans les interstices ténus de la vie quotidienne : potager, poules, cochon qui lui faisait peur, lessives (elle n’a connu le lave-linge qu’une fois ses enfants élevés), couture (elle nous faisait la plupart de nos vêtements), cuisine, elle lisait. Des magazines féminins : Nous Deux, Bonne Soirée, plongée dans un univers qui m’échappait et qu’elle m’interdisait, surtout le feuilleton qu’elle dévorait avec passion.

Rien de plus excitant que l’interdit. Je me souviens parfaitement du premier roman féminin que j’ai lu ainsi ; c’était Ambre de Kathleen Windsor, je crois. De la passion, du sexe, de l’amour avec des héros flamboyants. Ma mère n’a jamais su que je lui volais ses magazines dans le tiroir de sa table de nuit, ou peut-être s’en doutait-elle mais la couleur de ma mère était le silence. Rien de ce qui n’était pas dit n’existait.

Voilà d’où je tiens ma passion des fleurs et des mots.

Mais pourquoi L’Anthogrammate, me direz-vous ? Pourquoi ce mot précisément ? Et d’abord d’où il sort, ce mot-là ?

Il sort d’un article du Monde il y a fort longtemps. Je vous ai dit que j’aimais les mots. En fait j’ai une passion pour les mots rares, fragiles et menacés, les mots en voie de disparition.

Les espèces animales et végétales ne sont pas les seules à être victimes de la rapacité de l’espèce humaine ; les créations de l’esprit disparaissent à toute allure et on n’a pas besoin pour ça de religieux illuminés et criminels, les dictionnaires se chargent en catimini de la sale besogne.

Chaque année, pour faire place aux mots nouveaux que notre brillante civilisation produit comme consolidation budgétaire, crise de liquidité, état-parti, nonisme dans le Larousse 2014, ou pour faire moins sinistre scud, iconique, hystérisation et viralité, toujours dans le Larousse 2014, des mots anciens disparaissent. Le vocabulaire spécialisé des rites catholiques comme archidiaconat a disparu avec la ferveur religieuse, nombre de mots concernant le goût ont disparu depuis l’apparition des fasts food comme acerbité, acidule, nos sens en général se sont affadis ainsi que nos façons de percevoir l’existence : finis les délicieux babillement, baladinage, baliverner, amusoire, assoter, véritables songe-malice. Je ne voudrais pas chipoter mais ceux qui collaborent à cette cacade auraient dû réfléchir à deux fois avant de supprimer délogement qui correspond très exactement à l’action de notre police vis-à-vis des campements roms.

Je comprends fort bien que l’on ait besoin de ne pas gonfler le dictionnaire de mots inusités mais maintenant que nous sommes passés à l’ère numérique, que la moindre tablette ou liseuse peut contenir un nombre vertigineux de livres, pourquoi continuer à supprimer des mots ? Pourquoi générer de l’oubli et vivre dans un présent intemporel ? Les façons de vivre et de penser disparues nous aident à comprendre la nôtre, ses faiblesses et ses incohérences, c’est sans doute là que le bât blesse…

Et anthogrammate, là-dedans ?

Une sorte d’évidence, une résistance à l’uniformisation.

Marguerite Letourneur, femme dépassée, dinosaure parmi ses jeunes collègues, connaît l’art oublié du langage des fleurs. Une forme de communication disparue depuis moins d’un siècle, en un temps où on ne larguait pas son amoureux par SMS : on n’écrivait pas « Je t’m + », les hommes envoyaient une boule de millefeuille pour dire que leur cœur était cicatrisé ou, plus lâches, un bouquet de pieds d’alouette blanc : « Je suis très occupé »…

Je ne saurais trop vous recommander le Dictionnaire insolite des mots oubliés de Alain Duchesne, Thierry Leguay chez Larousse (Paris, France) et bien sûr L’Anthogrammate au titre imprononçable mais à la verve réjouissante.

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J’ai sauvé la vie d’une star d’Hollywood et les Français de la morosité

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Vous trouvez l’actualité morose et vous ne voulez pas dépenser vingt Euros pour les confidences de Valérie ? Précipitez-vous sur le livre de Laurent Bénégui : pour le même prix vous ne vous offrirez pas de confidences gastriques mais tellement, tellement d’occasions de rire que ce livre devrait être remboursé par la Sécurité Sociale.

Laurent Labarrère, quarante ans, scénariste pour la télévision, connaît autant d’ennuis que notre actuel président : sa femme l’a quitté, elle le remplace à son travail par son jeune amant mais le malheureux ex-scénariste doit continuer de payer le duplex du couple, s’occuper de ses filles qui ne supportent pas l’appartement minable qu’il occupe désormais et de surcroît un mafieux russe en veut à sa vie avant de lui proposer d’écrire un scénario.

Parfaitement abracabantesque aurait dit un autre président plein d’imagination.

Précipitez-vous, je vous dis, oubliez la liste des romans de la rentrée qu’il faut absolument faire semblant d’avoir lu en septembre et éblouissez les convives grâce aux réparties qui fusent, calibrées au millimètre :

— Je ne vais pas pouvoir continuer à payer pour le loft, insistai-je.

Tant que mon chargé de compte se bidonnait aux aventures de nos deux familles de timbrés, je survivais grâce à un découvert de spéléologue, obtenu à un taux de bactérie. Mais j’avais intérêt à continuer de trouver des répliques qui fassent mouche dans son imaginaire de banquier.

— Ce n’est pas la peine de faire du chantage, réagit-elle en claquant la portière.

— On devrait en parler calmement.

— C’est pour ça qu’on a des avocats.

­Un peu démoralisé mais pas à bout de ressources, notre scénariste essaie de se placer de nouveau sur l’échiquier amoureux avec une serveuse de bar :

— Et tu viens de ?… demandai-je.

— Montréal, province de Québec. Je suis une cousine, sourit-elle avec évidence.

Si toutes les cousines étaient du même acabit, on s’embêterait moins aux communions. Celle-ci était indiscutablement ravissante, moulée dans un jean taille basse, son débardeur court dévoilant un nombril orné d’un piercing original, duquel j’avais du mal à détacher les yeux tant l’azimut était propice.

— C’est un fémur d’australopithèque en réduction. (J’appréciai en connaisseur, comme si dans mon entourage il était courant de se composter avec des reproductions d’omoplate ou de rotule.) C’est un cadeau de mon chum. J’étudie la paléontologie, je suis venue théser à Paris-III et je travaille ici pour me faire des sous.

Il trouve beaucoup d’argent aux toilettes dans une cache du plafond, ce qui lui permet de faire ensuite la rencontre douloureuse avec Boris, le légitime propriétaire de cet argent sale :

— Pourquoi t’as mis ta main dans ce faux plafond ? Ça fait vingt fois que j’utilise cette cachette sans problème.

— Je ne sais pas, il fallait que je m’occupe.

— Le temps de pisser ?

— Ben, peut-être, oui…

— Tu es hyperactif, toi ?

— Non, d’habitude non.

— Tu as eu une scolarité normale ?

— Oui, oui.

Il réfléchit et rejeta ses longs cheveux en arrière d’un brusque mouvement de la tête qui transporta à nouveau jusqu’à mes narines son odeur particulière. Un relent animal, qui ne jurait pas avec l’image qu’il présentait de lui-même.

— Quelqu’un qui ne supporte pas de rester tranquille le temps de pisser fait preuve d’instabilité, reprit-il en se nouant les cheveux avec un élastique. Crois-moi.

Audiard doit jubiler dans sa tombe : voilà la relève ! Bientôt d’autres Tontons flingueurs et autres Barbouzes vont enchanter les écrans francophones et faire oublier le temps d’un film ou d’un bon livre les aigreurs de la politique.

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La rentrée : dialogue fraternel

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Conversation de petit déjeuner entre un garçon de huit ans et sa sœur de six ans le jour de la rentrée :

— Ce qu’il y a d’affreux avec l’école, c’est que c’est obligatoire. Si on y allait seulement de temps en temps, on supporterait mieux, affirme l’aîné.

— Moi j’aime pas l’école, j’aime vraiment pas l’école. Pleurs abondants de la petite fille.

— Mais non ma chérie, c’est parce que c’est le retour à l’école, c’est toujours difficile… susurre la mère. Le fils répond :

— Moi, je déteste l’école dans tous ses états : la rentrée, les lundis, les matins, les après-midis, tout, je déteste TOUT. Sa sœur renchérit :

— C’est bien vrai, et puis on travaille tout le temps !

Larmes ; soupirs ; les petits déjeuners scolaires ne sont pas euphoriques.

Rentrée

Wikimedia Commons – Immanuel Giel/CC-by-sa

Je tiens à signaler aux lecteurs que ce dialogue est parfaitement authentique quoique datant d’une vingtaine d’années. L’enthousiasme mesuré des écoliers en question ne les a pas empêchés de faire d’excellentes études.

Bonne rentrée à tous, enfants, enseignants, parents et grands-parents !

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La rentrée: au moins une bonne nouvelle

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L’Anthogrammate (Kindle) sera gratuit les vendredi et samedi 29 et 30 août : profitez-en ! Cela devrait vous mettre du cœur à l’ouvrage et de l’enthousiasme face à la page vierge qui s’ouvre devant vous : BONNE RENTRÉE À TOUS !

C’est avec une pointe de nostalgie que Marguerite Letourneur, institutrice à la retraite, contemple l’excitation de la jeunesse au rayon « rentrée » des supermarchés. Une toute petite pointe, en vérité, et sacrément émoussée. Surtout que c’est le moment où elle doit se montrer patiente et écouter ses anciens collègues soupirer au téléphone que c’est chaque année plus difficile. Marguerite les rassure, allons, allons, tu verras, ça va bien se passer… À la Toussaint, ils auront pris le rythme de travail, tu verras…

Ensuite, toute guillerette, elle se prend un café avec un chocolat, sort sa carte au 1 / 25 000 et son carnet. Elle vérifie d’un coup d’œil machinal dans son dressing si sa tenue de pauvresse et les produits pour les aveugles sont bien dissimulés à la curiosité de la femme de ménage. Il faudra éviter les mères de familles et les grands-parents très investis dans la garde de leurs petits-enfants. Pas disponibles avant la troisième semaine de septembre, impossible de pénétrer dans des foyers pleins d’excitation devant les livres à couvrir, les questionnaires et les étiquettes.

Marguerite défait l’enveloppe métallisée de son chocolat et songe à ses anciens collègues : pourquoi ne liraient-ils pas ses aventures avant la rentrée, histoire de conjurer le sort et de rire  ? Alors comme l’enseignement est l’art de la répétition, n’oubliez pas:

L’Anthogrammate (Kindle) sera gratuit les vendredi et samedi 29 et 30 août : profitez-en !

Et pour rendre la rentrée encore plus facile, les dix premiers commentaires postés sur Amazon ET sur mon blog recevront un exemplaire Kindle dédicacé de Lovita broie ses couleurs. BONNE RENTRÉE À TOUS !

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