Les fiches de l’écrivain

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Une de mes amies a trouvé le premier chapitre de L’Envol du sari sur internet. Elle m’explique comment elle a procédé, mais cela reste nébuleux pour moi ; j’ai le sentiment que des ondes négatives m’empêchent d’atteindre le Saint Graal de la connaissance.

— Est-ce que toi aussi tu as deux boîtes avec des fiches ?

— Bien sûr que non ! La façon dont travaille Quentin, c’est un idéal que j’aimerais atteindre…

Dans ce fameux chapitre, j’explique que Quentin, mon écrivain narrateur, est un personnage ordonné, méticuleux, qui a sur son bureau deux boîtes qu’il remplit méthodiquement et vide au fur et à mesure de l’avancée de son roman, quelque chose comme les vases communicants : d’un côté la vie réelle, de l’autre la création. On imagine un beau bureau, avec un écran d’ordinateur et deux belles boîtes en bois avec les fameuses fiches massicotées pile aux dimensions de leur contenant.

été 2019 094Hélas, mon bureau semble avoir subi un vent force cinq : feuilles et bouts de papiers étalés partout, y compris sur le rebord de la fenêtre, livres étouffés par la paperasse, stylos égarés sur cette houle de papiers griffonnés, raturés, parfois soulignés de rouge.

Il n’y a pas eu de coup de vent, seulement un esprit brouillon enthousiasmé par tant de découvertes qui pourraient devenir des romans ou des chroniques sur le blog. Au  verso de vieilles photocopies, de nombreuses listes se chevauchent et cherchent le dessus des piles :

  •  Livres qu’il faut absolument lire. (soulignés, mis au marqueur jaune, le seul qui ne soit pas sec, ou au stylo rouge)

  • Sites d’écrivains ou de blogueuses qu’il faut visiter. (pas de rouge ni de jaune, sauf exception)

  • Listes de plantes pour le jardin ou de manière de simplifier celui-ci. (Le jardin ressemble à mon bureau, un fouillis végétal où je m’épuise à mettre de l’ordre).

  • Recettes de cuisine.

  • Personnages réels rencontrés dans des revues historiques, scientifiques, sociologiques, etc que je dévore depuis des années. Ils feraient de magnifiques personnages de roman, c’est sûr, un jour je me plongerai dans leur vie.

Toutes ces belles personnes qui ont hissé l’humanité au niveau du sublime, comment ne pas avoir envie de leur rendre hommage et de leur rendre la vie ? Tous ces hommes qui ont lutté contre le destin qui leur semblait imposé, qui ont montré une telle force de vie qu’admiration est un mot insuffisant pour décrire ce que l’on éprouve en découvrant leur existence ! Ils attendent tous sur mon bureau. Où une magnifique idée chasse l’autre, papillonne avant de se poser sur une masse de papiers ou une autre.

Ajoutez à cela toute une série de dossiers plus ou moins complets sur des sujets aussi variés que la magie noire ou la notion de conscience et vous aurez une idée assez exacte de l’état de mon bureau.

— Est-ce que toi aussi tu as deux boîtes avec des fiches ?

J’ai répondu trop vite : oui, j’ai une boîte de fiches derrière mon bureau, sur la bibliothèque. Une ancienne boîte de chocolat remplie de fiches en carton découpées avec une paire de ciseaux. Les grandes contiennent les citations de livres trop essentielles pour être confiées à l’ordinateur. Les petites (devant, comme sur les photos de famille) contiennent des mots rencontrés, mots inconnus, prétentieux ou savants, poétiques ou étrangers. Ces mots ne me servent à rien. Je les relis de temps à autre en rêvant de les employer, enfin, pas tous, certains se montent vraiment trop le col. Quant aux citations, c’est la même chose, j’en relis certaines, en élimine pour faire de la place. Mais c’est toujours la même qui tient la première place, une citation de Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra :

Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante.

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Auteure ? Autrice ?

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Voilà que la machine médiatique se met en branle pour votre humble servante… Oui, forcément, lorsqu’on se prénomme Nicole, cela fait irrésistiblement penser à Molière et son Bourgeois gentilhomme :

— Quoi ? Quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit » c’est de la prose ?

Ce « Nicole, apportez-moi mes pantoufles » me fait fulminer depuis la cinquième, j’avais douze ans et on me faisait exploser en citant l’infâme bourgeois. Cela laisse des traces…

Revenons à notre préoccupation : suis-je l’auteure ou l’autrice de L’Envol du sari ?

J’ai tendance à écrire « auteure » alors que je sais que la plupart des mots en « teur » sont issus de la forme latine et donnent « trice »  au féminin : instituteur/ institutrice.

Pourtant autrice est un mot ancien, personne n’aurait traité Marie de France d’ « auteur », avec ou sans e pour faire joli. Ce mot a existé pendant des siècles, ainsi qu’une cohorte d’autres mots en « trice », parce que, jusqu’au 17e siècle, on a suivi l’usage du latin, et on ne parlait pas des femmes comme des hommes.

academieLa période obscure est venue après, avec l’Académie française, qui a oublié son rôle de spécialiste de la langue et a préféré la normaliser. La France du Roi-Soleil (qui, entre parenthèses, nommait des ambassadrices), état totalitaire, nomme de doctes messieurs qui vont exercer leur monopole sur la langue. Et imposer d’importantes mesures.

Au 17e siècle, l’Académie française décide d’interdire toutes les formes féminines des métiers qui leur semblent devoir être l’apanage des hommes. Allez savoir pourquoi. Peut-être le bonheur de dire :

— Nicole, apportez-moi mes pantoufles

Et de remettre les femmes à leur place naturelle qui est le foyer, qu’elles arrêtent d’écrire des romans, de peindre des tableaux ou de représenter la France à l’étranger. Continuer la lecture

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Danser : la passion des petits rats de l’opéra, la finesse d’Astrid Éliard

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danser-astrideliardChine, Delphine et Stéphane ont quatorze ans. Ils ont été admis à l’École de danse de l’opéra où ils sont internes, et leurs regards croisés nous font pénétrer ce monde plein d’exigences. Entre désir de dépassement de soi pour atteindre la perfection d’un pas, volonté de faire partie des sélectionnés pour la deuxième année et émois adolescents, l’auteure nous livre un portrait tout en nuances et en sensibilité de ce monde si particulier, si fermé des petits rats de l’opéra.

L’internat est un bouleversement pour tous. Stéphane découvre que le monde familial a changé en son absence ; les parents de Delphine sont un peu déboussolés par le vide de la maison, cinq jours sur sept ; la douleur de Chine dont la mère-enfant est soulagée de se débarrasser trois week-end sur quatre de cette adolescente encombrante, tout est raconté sobrement. Différents milieux sociaux, éducatifs, mais une même passion : danser, et cela transcende les vies. Continuer la lecture

Danser
Astrid Éliard
Mercure de France, janvier 2016, 184 p., 17,50 €
ISBN : 9782715241268

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L’Envol du sari début octobre aux éditions Les Escales

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L'envol du sari, par Nicole GiroudIl y a longtemps que je travaille sur ce roman, je vous en ai parlé à maintes reprises et je ne vais pas revenir là-dessus.

Enfin il sort début octobre, aux éditions Les Escales, ce roman qui mêle les plus hauts sommets d’Europe et de l’Inde, les débuts chaotiques de cette république du sous-continent indien avec le calme de la vie quotidienne d’une petite ville de Haute-Savoie, une haut-fonctionnaire indienne avec un romancier français très susceptible.

L’héroïne est flamboyante : elle s’appelle Rashna, ce qui signifie « la création », et c’est bien de cela dont il s’agit, puisque notre romancier fragile devra rendre la vie à celle-ci sous la surveillance de la fille de l’héroïne. Pour l’avoir vécu avec l’écriture d’une biographie romancée, je sais que les familles ne sont jamais contentes du portrait qui leur est renvoyé du héros ou de l’héroïne de la famille, à moins de flagornerie et de complaisance manifestes de l’écrivain.

Exercice de haute-voltige pour Quentin, mais aussi incursions de sa vie privée qui influe sur l’écriture du roman, tout est lié : la culture et la religion de l’héroïne, la façon peu glorieuse dont les dépouilles des victimes des deux crashes indiens ont été traitées, la découverte de la fascinante religion parsie, le choc des différences sociales, tout se mêle dans ce texte qui j’espère vous apprendra beaucoup de choses, vous fera sourire parfois, vous séduira souvent tant Rashna vous fera rêver.

Coups de cœur (les plus récents d’abord) :

Critiques (les plus récentes d’abord) :

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Les furtifs d’Alain Damasio en pleine lumière

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LES_FURTIFS-couvertureCet épais roman (presque sept cents pages) commence par un chapitre aussi palpitant que dérangeant : la première traque de Lorca Varese, son examen de passage. Lorca réussit : il voit le furtif et celui-ci se vitrifie aussitôt à 1400 degrés. Par une sorte d’inversion du mythe antique de la Gorgone qui pétrifiait tout mortel croisant son regard, les furtifs meurent si on les voit. Lorca peut rejoindre l’élite très fermée des chasseurs de furtifs, les militaires du Récif – acronyme pour « Recherches, Études, Chasse et Investigations Furtives ». Ce n’est que le premier des nombreux acronymes qu’affectionne l’auteur, Alain Damasio, mais le lecteur n’est pas au bout de ses surprises…

Lorca n’est pas un militaire, mais un civil. C’est un intellectuel impliqué dans les mouvements altermondialistes. Il a choisi cette formation militaire parce que sa fille Tishka a disparu depuis deux ans et qu’il est persuadé qu’elle a été enlevée par un furtif et qu’elle est vivante. Il veut la retrouver. Sa femme Sahar, dont il est séparé depuis la disparition inexpliquée de leur fille de quatre ans, se force à penser que sa fille est morte en espérant reprendre le cours de sa vie. Deux versants de la même douleur de parents. Continuer la lecture

Les furtifs
Alain Damasio
La Volte, avril 2019, 704 p., 25 €
ISBN : 978-2-37049-074-2

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