L’immersion de Bérengère Cournut dans un monde De pierre et d’os

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Oubliez votre quotidien, votre confort et votre routine, vous allez accompagner Uqsuralik, et vous ne la quitterez que sonné, fasciné, à la fin de ce texte à nul autre pareil.

L’adolescente inuit sent couler quelque chose de chaud entre ses cuisses et sort de l’igloo familial dans la nuit polaire, juste avant que la banquise craque et la sépare de sa famille.

Alerté par le bruit, son père parvient à lui lancer un harpon, quelques maigres provisions, et une dent d’ours, amulette magique qui devrait la protéger. Elle va devoir se débrouiller toute seule, et nous avançons avec elle dans le chaos de glace. Le froid, le danger, la faim. Omniprésents. Mâcher ses chaussures, lutter contre les chiens attirés par l’odeur du sang. Elle ne désespère pas puisque les esprits l’accompagnent de leur chant, tout comme les éléments, car cet univers si dur est traversé de poésie. Uqsuralik n’est pas seule, les chants des divinités et des hommes disparus l’accompagnent :

« Chant du vent et de l’orage
Nous sommes l’été
Nous sommes le Nord et le Sud
Nous sommes les vents violents
Qui soulèvent la terre et l’eau
Nous sommes la chaleur et la fièvre
Nous sommes l’air vibrant dans la lumière
Nous sommes le sang qui coule
Dans tes veines et sous ta peau
[…]
Notre présence va tout emporter
Tout bouleverser
Nous allons briser les pierres
Transformer ta chair
Faire de toi un chemin
D’étoiles et de poussière
[…]
»

La jeune fille devient femme au fil des rencontres, bonnes ou mauvaises, avec les hommes, les esprits et les animaux. Elle avance dans son périple et dans sa vie, et nous avec elle, plongés dans ce monde si étranger au nôtre que nous progressons dans le texte, envoûtés, stupéfiés.

Ce périple sur la terre gelée où l’héroïne attend la neige fraîche et le retour du soleil, le gibier et les esprits, les humains et leurs chants, l’« homme-lumière » qui envoûte son esprit et l’homme réel qui provoque l’enfantement. Tout est intriqué, hommes, femmes, enfants, légendes, créatures fantastiques et chamanisme.

Rituels initiatiques, poésie, chants des éléments, dures descriptions de la faim, violence, beauté des paysages, tout se mélange en un ensemble bouleversant, mais cohérent.

Ce roman d’une très grande richesse qui ne ressemble à rien de ce que j’ai jamais pu lire, est un voyage, « une Porte d’entrée vers l’univers foisonnant du peuple inuit » comme l’a écrit l’auteure, Bérengère Cournut.

À la fin du texte vous trouverez un carnet de photographies, et l’auteure explique ses recherches ethnologiques d’où sa connaissance approfondie du monde inuit. Béatrice Cournut ne s’est jamais rendue en Arctique, mais elle a tant lu, tant assimilé le monde inuit et sa culture, qu’un jour elle a franchi le pas avec une adolescente qui allait lui permettre de faire découvrir son monde aux lecteurs fascinés.

 

De pierre et d’os
Bérengère Cornut
Le Tripode, Août 2019, 240 p., 19€
ISBN : 9782370552129

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