Le Festival de Cannes est terminé, on a roulé le tapis rouge, remisé les paillettes, mais que va devenir l’actrice iranienne Leila Hatami confrontée aux censeurs de la république islamique ?
Le vent de la rigueur islamique s’est levé sur Cannes le 18 mai lorsque Leila Hatami, l’actrice et membre du jury du festival de Cannes 2014, a fait la bise au président du festival de Cannes, Gilles Jacob.
Anodin, me direz-vous… Pas du tout, c’est un problème crucial : depuis la révolution de 1979, une femme ne doit pas toucher le corps d’un homme de quelque manière que ce soit, à moins qu’il fasse partie de sa famille. Elle peut lui serrer la main, avec des gants, de la manière la plus neutre possible. La fameuse bise de bienvenue, filmée par toutes les télévisions étrangères, a été retransmise à la télévision iranienne, mais floutée tellement le crime était grave.
Aussitôt, selon l’IRNA (l’agence de presse de la république islamique), les autorités de la République islamique ont jugé que Leila Hatami avait eu un comportement inapproprié et le vice-ministre de la Culture, Hossein Noushabadi est monté au créneau pour défendre la pudeur des Iraniennes offensées par un tel crime : « Qu’elle soit artiste ou non, la femme iranienne est le symbole de la chasteté et de l’innocence, donc une telle attitude inappropriée (ayant eu lieu) récemment au festival de Cannes n’est pas conforme à nos principes religieux ».
Inapproprié. Cité deux fois. Cela ne vous rappelle rien? Bill Clinton et son comportement inapproprié avec Monica, les conséquences politiques qui s’en sont suivies? L’Iran n’a pas le monopole de la censure.
Devant l’ampleur du scandale, Gilles Jacob a pris sur lui la « faute » de Leila Hatami en postant un message sur Twitter : « C moi qui ai fait la bise à Mme Hatami. À ce moment, elle représentait pour moi tout le cinéma iranien, ensuite elle est redevenue elle-même ».
Jésuistique, pathétique et élégant de la part du directeur du Festival de Cannes.
Tout de suite après l’IRNA a affirmé que l’actrice avait envoyé une lettre d’excuse à l’organisation du cinéma iranien où elle expliquait qu’elle avait essayé de respecter les règlements mais que Gilles Jacob, 83 ans, « a oublié ces règlements, ce qui arrive avec l’âge, et ma tentative (…) de lui serrer la main a échoué ». Si Leila Hatami a réellement envoyé cette lettre, c’est montrer beaucoup d’ingratitude que de sous-entendre le président du festival de gâtisme, mais la peur a des raisons que la conscience ne connaît pas.
Selon l’agence de presse du régime iranien, le site d’informations Tasnimnews, des étudiantes iraniennes auraient porté plainte contre Leila Hatami, réclamant pour son péché des coups de fouet et de la peine de prison. Désinformation ? Manière de mettre la pression sur toutes les femmes susceptibles de prendre un peu de liberté face à la loi islamique ? Réalité d’un pays soumis depuis si longtemps à la mise au pas ?
Le vent noir (c’est la signification étymologique du mot bise) des femmes voilées et de la surveillance religieuse qui musèle le pays depuis 1979 doit faire frissonner l’actrice mais pas seulement : toutes les femmes attentives à la réduction des droits des femmes de par le monde doivent rester vigilantes. Rien n’est acquis, jamais.
Les journalistes ont déserté la Croisette, le mini scandale de la bise de l’actrice est tombé aux oubliettes. Gageons que Leila Hatami, devra subir encore longtemps les remous provoqués en Iran par ce geste qui nous a semblé si anodin. Sera-t-elle à Cannes, l’année prochaine ?