Charlotte Salomon, vie effroyable et oeuvre intense

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Comment restituer la vie de Charlotte Salomon, née dans une famille où le suicide court de l’une à l’autre des femmes de la famille comme une maladie héréditaire, cette vie intense qui se termine en camp d’extermination, à vingt-six ans, alors qu’elle était enceinte de cinq mois ?  Comment rendre l’urgence d’une œuvre, le besoin vital, l’appel du gouffre et la résistance ? David Foenkinos choisit la scansion du vers libre, tout sauf la prose qui aurait affadi son propos, dilué la vie de Charlotte, étouffé toute respiration.

Ces vers rythment le texte, certains arrivent presque au bout de la ligne, moments de narration, d’explication, de douceur parfois, et d’autres sont coupants comme des hachoirs.

Les premiers vers du premier chapitre donnent le ton :

Charlotte a appris à lire son prénom sur une tombe.

Elle n’est donc pas la première Charlotte.

Il y eut d’abord sa tante, la sœur de sa mère. (p. 15)

Comment vivre dans un tel contexte, lorsque la mort est un appel auquel, alors que Charlotte a huit ans, sa mère Franziska ne peut résister ?

Les Grunwald dînent dans la grande salle à manger.

L’infirmière traverse la pièce, s’assoit près d’eux un instant.

Subitement, la mère est foudroyée par une vision.

Franziska seul dans sa chambre, qui s’approche de la fenêtre.

Elle fusille du regard l’employée.

Se lève précipitamment, court vers sa fille.

Elle ouvre la porte, juste à temps pour voir le corps basculer.

Elle hurle de toutes ses forces, c’est trop tard.

Un bruit sourd.

La mère avance, tremblante.

Franziska baigne dans son sang. (p. 28)

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Charlotte
David Foenkinos
Gallimard, août 2014, 224 p., 29€
ISBN : 9782070145683

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Cambrioleurs distraits 2

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Dans l’état du Colorado le cannabis récréatif est légal depuis 2014. Chaque citoyen de plus de vingt-et-un ans peut en acheter une once, soit 28,3495 g très exactement, chez un détaillant autorisé.

Étaient-ils distraits, stressés, stupides, très jeunes ou tout cela à la fois, les malfrats qui, en 2018, ont employé les grands moyens pour cambrioler un dispensaire de cannabis ? Projeter une voiture-bélier (un mini-van sans doute volé) dans la vitrine de l’établissement avant de repartir en courant à toutes jambes avec le butin, fait pencher la balance en direction d’une extrême jeunesse, tout comme le produit de leur casse, plusieurs t-shirts et des cartons remplis d’herbe.

Les dits cartons ne contenaient que de l’origan, les produits à base de cannabis se trouvant dans le coffre du dispensaire. Les voix du Seigneur sont impénétrables. Il leur a fait comprendre d’originale façon qu’une carrière de pizzaïolos se déployait devant eux.

 

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Cambrioleurs distraits 1

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La police d’une ville de Géorgie aux États-Unis a reçu un appel indiquant le cambriolage d’un magasin. Les malfaiteurs étaient partis avec leur butin à bord d’une Tesla Model X précisa la source. L’histoire ne dit pas si le vigilant citoyen surveillait la boutique ou la Tesla.

C’est une fort belle voiture que cette Tesla, et très rapide, capable d’accélérations fulgurantes qui auraient dû mettre ses passagers à l’abri des poursuites de la police. Auraient dû, car les cambrioleurs distraits avaient oublié de recharger la batterie du véhicule et la police les a cueillis à la première borne de recharge de la ville. La Tesla Model X peut accueillir six passagers et de nombreux bagages. La police se contenta de récupérer les objets volés, quelques armes et neuf cents grammes de marijuana, ce qui est lamentable au vu de la capacité de la voiture.

Cette histoire véridique nous rappelle par cet exemple qu’avant tout trajet important il est nécessaire de vérifier la recharge de sa voiture électrique.

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La mondialisation s’attaque au Toblerone

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Vous connaissez tous le Toblerone, ce chocolat à la forme si spéciale représentant la forme stylisée de la plus haute montagne de Suisse, le Cervin. Que de symboles dans ce petit triangle plutôt dur à détacher de la barre ! Ce chocolat mythique est fabriqué depuis 1908 à Berne, la capitale de la Suisse. Du chocolat suisse fabriqué au cœur de la Suisse, qui doit se mériter mais que l’on reconnaît aussitôt à son emballage où le Cervin trône en majesté.

En le croquant c’est le meilleur de la Suisse que vous mettez en bouche, celle qui est accessible à tout le monde, celle qui nous parle d’alpages où paissent les vaches, de haute montagne et de qualité rassurante.

Hélas, la mondialisation est passée par là, et le Toblerone est passé en mains américaines, la marque de confiserie Mondelez, très active à l’international. Inutile de vous dire tout ce qu’elle possède, vous seriez découragés de savoir que nombre de douceurs que vous pensez nationales sont en réalité américaines. Revenons à Toblerone. Le nouveau propriétaire a annoncé que dès cet été le Toblerone ne sera plus fabriqué à Berne, mais à Bratislava en Slovaquie. Continuer la lecture

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Passage d’une époque à l’autre avec Catherine Rolland

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Benjamin Teillac est ambulancier, il travaille en tandem avec son ami de toujours, David, qui prend soin de lui. Car Benjamin va mal. Sa femme Sylvie l’a quitté et son fils ne veut plus le voir, en plus voilà que ses crises d’épilepsie reprennent, de plus en plus violentes. Il sait qu’il risque de perdre son travail qui est sa raison de vivre, et il est prêt à tout pour juguler la maladie, y compris participer à l’essai thérapeutique très risqué que lui propose sa neurologue.

Durant ses crises, Benjamin fait un saut dans le temps : le voilà plongé dans un épisode dramatique de la Résistance durant l’hiver 44 en Haute-Savoie dans le massif des Glières.

Il ne s’appelle plus Benjamin Teillac, mais Benjamin Sachetaz, il est né en 1909 et fait partie de la résistance avec son frère Cyrille, un vigoureux abbé en soutane.

Pourtant Benjamin Teillac, fils unique, ne s’est jamais intéressé à l’histoire :

Je n’avais jamais porté d’intérêt à l’histoire, pas plus à la Seconde Guerre mondiale qu’à aucune autre période du passé. Je faisais partie de ces hommes cartésiens pour qui seul le présent comptait. Passer mon existence, comme Thibault, à ressasser les erreurs ou les actes glorieux de mes aïeux en oubliant de vivre, dépassait mon entendement, mais j’avais pourtant su citer sans hésitation, comme d’un fait connu de toujours, le nom de Tom Morel, héros d’une bataille dont il me semblait n’avoir jamais entendu parler.

Les crises se font plus fréquentes, les réalités se mélangent. Dans cette autre vie si dangereuse, Benjamin tombe amoureux de Mélaine :

J’aimais le futur qu’elle me vendait, une existence simple et paisible où nous vivions de l’élevage, des légumes et des fruits que nous produirions, où grandirait tout un tas d’enfants au milieu de la nature et des chèvres, où il n’y aurait plus ni la guerre, ni le malheur, ni la peur. Le dimanche nous irions à l’église, et en août à la fête des moissons. L’hiver nous resterions en ermites, bienheureux dans notre cocon de neige et seuls au monde, et au printemps nous redescendrions dans la plaine, il y aurait des fêtes et des rires, nous nous amuserions et chéririons l’existence, parce que disait Mélaine, il n’y a pas de plus grand bonheur que celui qu’on croyait à jamais perdu et que le Seigneur nous rend.

Vertige : « Le futur qu’elle me vendait », un futur vieux de plus de soixante-dix ans.

D’une vie à l’autre le passage est difficile.

Qu’est-ce qui était en train de m’arriver, bon sang ? Je ne connaissais pas cet endroit, je n’avais aucune idée de la manière dont j’y étais arrivé. Pourtant, le visage de cet homme et sa voix m’étaient familiers, sa présence à mes côtés une évidence.
Il faisait la moue, l’air à moitié satisfait. Il se releva souplement, et je remarquai à ce moment-là qu’il portait une soutane. Je me figeai, interrompant le mouvement que j’avais amorcé pour saisir la main qu’il me tendait. L’espace d’une seconde, je le vis, les yeux bandés, face à un peloton d’exécution prêt à tirer.

La tentation est grande d’incurver le passé, comme dans toute bonne uchronie. Il faut dire que l’auteure joue de ces deux époques avec une grande maestria. Continuer la lecture

Le cas singulier de Benjamin T.
Catherine Rolland
Catherine Rolland, mars 2023, 324 p., 17,90€
ISBN : 9782958459512

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