Ne cherchez pas le mot influenceur dans le dictionnaire Larousse 2019, il n’est pas encore admis, mais cela viendra, vu l’importance du phénomène qu’il désigne. Il est dérivé du nom influence, « action qu’une personne exerce sur une autre, emprise », et c’est bien de cela dont il était question ce matin sur France Inter. Sonia Devillers recevait le Collectif le Tatou dans L’instant M, des youtubers qui étaient invités pour parler de la façon dont ils avaient été manipulés, transformés à leur insu en lobbyistes par les grandes plateformes d’internet…
Je ne connais rien du tout à l’univers des youtubers, et ce matin la façon dont s’exprimaient les invités de Sonia Devillers sur France Inter me donnait la curieuse impression d’un ethnologue découvrant une tribu inconnue. Cependant ce dont ils parlaient faisait entendre la musique de la manipulation massive, et j’ai dressé l’oreille.
L’article 13 sur le droit d’auteur a été voté au Parlement en septembre mais l’écriture finale est discutée à l’Assemblée en ce moment. Il s’agit de clarifier le droit d’auteur et d’obliger les grandes plateformes comme Youtube ou Instagram à respecter à la fois les droits et les volontés des artistes.
Les plateformes internet affirment que c’est ingérable. Ce matin, le chiffre colossal de quatre cents heures de vidéos postées chaque minute a été avancé ; il donne le vertige et semble donner raison à Youtube et Instagram. Mais n’y a-t-il pas en fait des histoires de gros sous et de pouvoir là-derrière ?
Ce qui a été dit dans cette émission impressionne. Lorsqu’on sait qu’un youtuber peut être suivi par des millions de followers (désolée, mais les anglicismes étaient plus courants que le français dans l’émission) et qu’il possède donc le pouvoir d’influencer ceux qui le suivent, on comprend que la campagne orchestrée par les grandes plateformes soit d’une efficacité redoutable.
Tous manipulés, tous manipulables. Les créateurs de vidéos qui ont souscrit à la demande des plateformes et leurs suiveurs. Nous tous, les marionnettes de ces petites vidéos que l’on regarde en toute innocence pour se distraire ou pour apprendre quelques petites choses censées nous rendre la vie plus facile. Et derrière, de grands groupes à la puissance colossale décident ce qui est juste ou non, les lois qu’il faut ou ne faut pas voter.
J’aimerais vous parler d’une manière un peu plus légère de la famille Chapman, découverte dans Cosmopolitan de janvier 2019. Je ne sais pas si l’édition anglaise et l’édition française coïncident et si la famille Chapman est apparue dans le paysage français. Il s’agit de cinq individus très beaux, tous dans la trentaine ou approchant la quarantaine, quatre frères et sœurs ainsi que l’époux de l’aînée, Nic.
cliché Cosmopolitan, photographe Ben Riggott
Les jeunes femmes ont commencé à faire des vidéos en amatrices en 2008 pour donner des conseils de maquillage (elles étaient maquilleuses de vedettes de cinéma), et petit à petit elles ont été suivies par beaucoup de jeunes Anglaises. Leurs conseils se sont affinés, leur notoriété a enflé et les sponsors sont arrivés. Les jumeaux ont pris le train de la notoriété en 2010 et 1011 avec des vidéos humoristiques mais touchant tous les domaines de la décoration ou… de l’aide et des photos pour le mariage de leur sœur aînée. Leur beau-frère a enchaîné avec ses recettes en 2014, recettes de cuisine mais aussi de vie en harmonie avec son conjoint.
Anecdotique, me direz-vous. Cela permet tout de même à la fratrie de vivre dans une grande et belle maison et de loger dans un superbe appartement lorsqu’ils se rendent à Londres. Comme le dit Sam, lorsqu’elles ont commencé leurs vidéos le terme d’influenceur n’existait pas. Elles ont été repérées par un chercheur de « talents digitaux », puis elles ont créé sous sa houlette leur canal Pixiwoo et sont devenues petit à petit des professionnelles reconnues, aimées de leurs followers. Le reste de la famille a suivi.
La famille Chapman est devenue en quelques années l’entreprise professionnelle la plus influente de Grande-Bretagne avec les revenus afférents. Les frères et sœurs sont très populaires, peut-être parce qu’ils gardent les pieds sur terre, peut-être parce qu’ils savent que la bulle de notoriété et d’argent peut éclater d’un jour à l’autre. Peut-être également parce qu’ils ont connu une enfance difficile, avec un père alcoolique et violent quand il n’était pas en prison, et que cela les a soudés. Les Chapman, c’est le miroir d’une certaine Angleterre, le miroir heureux que renvoie parfois la misère quand la baguette Internet transforme la citrouille en carrosse.
P.-S. : Parfois le conte de fées connaît des ratés et le destin se rappelle au bon souvenir des intéressés : les deux jeunes femmes viennent de révéler à leurs fans qu’elles sont toutes les deux atteintes de la maladie qui a tué leur père.