Archives par étiquette : Roman

Jean-Paul Dubois et sa notion particulière du destin

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Paul Hansen, Français de père danois naturalisé Canadien, se trouve incarcéré dans la prison de Bordeaux à Montréal, à une faible distance de l’Excelsior, l’immeuble de soixante-huit appartements dont il a été pendant vingt-six ans le « superintendant » totalement dévoué à l’entretien de l’immeuble et au bien-être de ses résidents. Nous n’apprendrons qu’à la fin du roman la nature de l’acte qui a conduit cet homme exemplaire à purger sa peine pour un crime qu’il ne regrette pas une seconde d’avoir commis.

La narration oscille entre passé et présent, Paul nous raconte sa vie d’autrefois et celle de la prison en un balancier où le solaire se mêle au sordide, où l’humanité contrebalance la violence carcérale. L’humour sauve de l’étouffement, empêche le roman de basculer dans la noirceur absolue.

Ne plus voir, tous les soirs, Patrick Horton baisser son pantalon, s’asseoir sur la lunette et déféquer en me parlant des « bielles entrecroisées » de sa Harley qui au ralenti « tremblait comme si elle grelottait ». À chaque séance, il œuvre paisiblement et s’adresse à moi avec une décontraction confondante qui donne à penser que sa bouche et son esprit sont totalement découplés de sa préoccupation rectale. (p. 15)

Ce prisonnier qui n’avait jamais enfreint la loi partage sa cellule avec Patrick Horton, un colosse suspecté de meurtre qui parle avec amour de sa moto et de trucider la moitié de l’humanité, mais terrifié devant une souris et tombant de faiblesse à l’idée de se laisser couper les cheveux.  Petit à petit la vie de Paul se dessine. Il va nous raconter comment son père, pasteur danois d’une grande beauté à la foi chancelante, a gâché sa vie plusieurs fois, comme si le bonheur se dérobait toujours devant certaines personnes. Le couple que Johanes Hansen formait avec Anna, une Toulousaine libertaire et athée propriétaire d’un cinéma a éclaté lorsque celle-ci a accepté de passer « gorge profonde » dans la salle. Le film pornographique qui divisait la France a provoqué la fin du couple. Continuer la lecture

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon
Jean-Paul Dubois
Éditions de l’Olivier, août 2019, 256 p., 19 €
ISBN : 978-2-8236-1516-6

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Le mystère Henri Pick et la satire réjouissante du monde éditorial

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David Foenkinos nous entraîne dans une balade autour de la littérature et du monde de l’édition, avec Le mystère Henri Pick. Nous apprenons un certain nombre d’éléments concernant les célèbres refusés des maisons d’édition – Proust bien sûr, mais aussi les Américains John Kennedy O’Toole et Richard Brautigan. Ce dernier imagina, dans L’Avortement publié en 1971, une bibliothèque conservant les manuscrits refusés par les éditeurs. Juste revanche de celui qui avait souffert de tant de refus avant de devenir un écrivain mythique et de se suicider, comme John Kennedy O’Toole. L’histoire ne s’arrête pas là :

En hommage, un lecteur passionné a créé « la bibliothèque des livres refusés ». C’est ainsi que la Brautigan Library, qui accueille les livres orphelins d’éditeur, a vu le jour aux États-Unis. La structure a aujourd’hui déménagé pour être hébergée à Vancouver au Canada. (p. 14)

Une note en bas de page nous précise l’adresse du site de la librairie. Parfait. Sauf que les notes en bas de page vont se multiplier, certaines intéressantes, la plupart commentant les états d’âme du personnage et autres billevesées. On comprend petit à petit que certains éléments sont là pour égarer le lecteur : vénérable grande maison d’édition et véritables membres du microcosme littéraire et éditorial (hilarante prestation de François Busnel dans une interview), copies conformes d’autres éléments, sans compter des vérités sur les écrivains. Continuer la lecture

Le mystère Henri Pick
David Foenkinos
Gallimard, avril 2016, 288 p., 20,50 €
ISBN : 978-2-07-017949-7

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Soudain, seuls: un sens de la survie qui laisse K.O.

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Un jeune couple part faire un tour du monde à bord d’un voilier ; Ludovic, grand jeune homme sûr de lui, est amoureux de Louise, petite femme passionnée de montagne. Au cours de leur périple à bord de leur bateau, Jason, ils décident d’aborder sur une île déserte interdite à la visite entre la Patagonie et le cap Horn. Et soudain le drame : leur bateau disparaît dans la tempête, les laissant seuls sur cette île peuplée de manchots, d’otaries, d’éléphants de mer et de rats.

Comment survivre ? Les jeunes gens investissent une ancienne base baleinière, fabriquent des outils, apprennent à tuer les animaux qu’ils défendaient autrefois par conviction écologique. Ils se transforment, évoluent vers une dureté qui leur aurait parue impossible autrefois. L’instinct de survie est décrit avec une acuité, une rudesse et une précision qui laisse le lecteur pantelant.

Une peur animale les envahit, une peur froide et dure qui les absorbe. Au début, ils essaient d’en parler, se murmurent des histoires d’avant, du temps où la vie était normale. Mais, rapidement, cela devient un trop grand effort, tant leur esprit n’est tourné que vers le vacarme du dehors. Ils sont là, prostrés comme des bêtes, les poings serrés, sursautant aux à-coups du vent. (p. 99)

Dès les premières pages on se laisse happer par cette histoire qui n’a rien d’une robinsonnade. Ici la nature n’est pas pourvoyeuse de fruits délicieux et de douceurs accessibles. Elle est violente, secoue les naufragés de spasmes de froid, de faim, de désespoir. Pas d’éclaircies dans ce ciel changeant, épreuve après épreuve les lecteurs participent au calvaire de ces trentenaires qui avaient juste voulu faire l’excursion de trop. Nous assistons aux violentes disputes et aux réconciliations du couple :  survivre impose peu à peu un retour à une sauvagerie qui exclut tout sentimentalisme. Continuer la lecture

Soudain, seuls
Isabelle Autissier
Le Livre de poche, novembre 2016, 224 p., 7,40 €
ISBN : 978-2-253-09899-7

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Adieu la morosité avec Loin d’Alexis Michalik

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Enfin un roman qui vous secoue de rire, qui vous tient en haleine pendant 750 pages, un texte qui cavale à toute allure, pas le temps de souffler pour ce pauvre Antoine embarqué dans un périple inattendu, et le lecteur en redemande, poussé par tant de vitalité, d’humour et de roublardise.

Si vous arrivez à répondre sans irritation à la personne de votre vie qui vous signale qu’il est déjà deux heures du matin et que vous travaillez dans quelques heures ou autres billevesées destinées à vous sortir de votre lecture, félicitations !

Par pure paresse, et parce que cela reflète fort bien l’argument, je vous livre la quatrième de couverture :

Tout commence par quelques mots au dos d’une carte postale : « Je pense à vous, je vous aime. » Ils sont signés de Charles, le père d’Antoine, disparu dix-sept années plus tôt sans laisser d’adresse. Avec son meilleur ami, Laurent, et sa jeune sœur, Anna, aussi instable qu’irrésistible, Antoine part donc, à vingt-six ans, sur les traces de ce père fantôme. L’affaire d’une semaine, pense-t-il… De l’ex-Allemagne de l’Est à la Turquie d’Atatürk, de la Géorgie de Staline à l’Autriche nazie, de rebondissements en coups de théâtre, les voici lancés dans un road movie généalogique.

Antoine est un jeune homme posé limite ennuyeux qui va se marier bientôt, le genre de garçon destiné à faire toute sa vie le même trajet jusqu’au travail, tout le contraire d’Anna, sa jeune sœur, incapable de faire autre chose dans sa vie que de séduire tout ce qui se trouve à sa portée, y compris Laurent, le meilleur ami de son frère. D’autres éléments se greffent dans la fratrie dont on comprendra très vite que, si elle ne paraît pas simple, elle va se compliquer encore. Continuer la lecture

Loin
Alexis Michalik
Le live de Poche, avril 2021, 768 p., 9,40€
ISBN : 978-2-253-10359-2

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L’immersion de Bérengère Cournut dans un monde De pierre et d’os

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Oubliez votre quotidien, votre confort et votre routine, vous allez accompagner Uqsuralik, et vous ne la quitterez que sonné, fasciné, à la fin de ce texte à nul autre pareil.

L’adolescente inuit sent couler quelque chose de chaud entre ses cuisses et sort de l’igloo familial dans la nuit polaire, juste avant que la banquise craque et la sépare de sa famille.

Alerté par le bruit, son père parvient à lui lancer un harpon, quelques maigres provisions, et une dent d’ours, amulette magique qui devrait la protéger. Elle va devoir se débrouiller toute seule, et nous avançons avec elle dans le chaos de glace. Le froid, le danger, la faim. Omniprésents. Mâcher ses chaussures, lutter contre les chiens attirés par l’odeur du sang. Elle ne désespère pas puisque les esprits l’accompagnent de leur chant, tout comme les éléments, car cet univers si dur est traversé de poésie. Uqsuralik n’est pas seule, les chants des divinités et des hommes disparus l’accompagnent :

« Chant du vent et de l’orage
Nous sommes l’été
Nous sommes le Nord et le Sud
Nous sommes les vents violents
Qui soulèvent la terre et l’eau
Nous sommes la chaleur et la fièvre
Nous sommes l’air vibrant dans la lumière
Nous sommes le sang qui coule
Dans tes veines et sous ta peau
[…]
Notre présence va tout emporter
Tout bouleverser
Nous allons briser les pierres
Transformer ta chair
Faire de toi un chemin
D’étoiles et de poussière
[…]
»

La jeune fille devient femme au fil des rencontres, bonnes ou mauvaises, avec les hommes, les esprits et les animaux. Elle avance dans son périple et dans sa vie, et nous avec elle, plongés dans ce monde si étranger au nôtre que nous progressons dans le texte, envoûtés, stupéfiés. Continuer la lecture

De pierre et d’os
Bérengère Cornut
Le Tripode, Août 2019, 240 p., 19€
ISBN : 9782370552129

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