Archives de l’auteur : Nicole Giroud

Porte-coton, une profession d’avenir ?

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Hyacinthe Rigaud

Hyacinthe Rigaud

Il ne s’agit pas d’un petit accessoire au design épuré chargé de porter de jolies boules de coton de couleur pour le démaquillage de madame, non, il s’agit d’un homme, plus exactement l’officier de la garde-robe qui présentait la serviette au Roi-Soleil pour qu’il puisse torcher ses augustes fesses. La serviette souillée était ensuite remise sur un plateau et l’officier – jamais un noble de rang élevé  s’éloignait dignement.

Le porte-coton de Louis XIV a été aboli à la Révolution puis rétabli par Louis XVIII et Charles X. Continuer la lecture

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Mondialisation, déchirements et manga bouleversant

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J’aime déambuler dans les bibliothèques aux heures nues, silencieuses, loin des bourdonnement des ados en train de faire un exposé pour le prof d’histoire, loin des cris excités des enfants ou des pleurs des tout-petits et loin des conversations bruyantes (elles entendent mal et ne le savent pas) des retraitées pétries de solitude.

Un-the-pour-YumikoCe jour-là je me suis retrouvée devant les bacs boursouflés des bandes dessinées. Déjà découragée, j’ai pris la première qui m’est tombée sous la main. Cela ressemblait à un manga, dessin de visage maladroit, esquisse de temple à l’arrière-plan sur fond de montagne. Pour couronner le tout, une vignette rouge en haut à droite de la première de couverture indiquait : « La BD RTL du mois ». J’ai failli reposer, mais j’ai tout de même lu les premières pages.

Et j’ai été bouleversée.

Aquarelles de foule en marche, impression de vitesse et de multitude, immeubles qui provoquent une impression de déjà vu. Continuer la lecture

Un thé pour Yumiko
Fumio Obata
traduit de l’anglais par Isabelle Troin
Gallimard, 2014, 155 p., 22 €
ISBN : 978-2-07-065770-4

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Dans quelle langue est-ce que je rêve ? d’Elena Lappin : le flot des langues accumulées

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LappinOn parle des migrants comme si c’était une réalité nouvelle, comme si l’afflux massif par-delà la Méditerranée, phénomène majeur de notre siècle, était une nouveauté. Elena Lappin, journaliste et écrivain dont j’hésite à donner la nationalité tant celle-ci est issue d’un mélange complexe, nous restitue à travers son cas personnel ce que signifie être migrant. Loin de ce qui nous vient à l’esprit, mais avec humour et finesse, elle décortique ses origines et tribulations familiales, les exodes successifs volontaires ou non.

Elena est née à Moscou, ensuite elle passe son enfance à Prague avant de se retrouver adolescente à Hambourg quand ses parents passent à l’Ouest. Chaque fois un nouveau pays, une nouvelle mentalité et une nouvelle langue. Continuer la lecture

Dans quelle langue est-ce que je rêve ?
Elena Lappin
traduit de l’anglais par Matthieu Dumont
Éditions de l’Olivier, avril 2017, 384 p., 23€
ISBN : 9782879296456

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Le mois des Indés et la publicité

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Indés comme indépendants, vous aviez compris. Cela me va bien comme idée ; nous avons monté, mon compagnon et moi, Plumitive Éditions en attendant l’éditeur honnête/ enthousiaste/ exigeant mais non dictatorial/ considérant les livres comme autre chose qu’une marchandise à fourguer sur le marché. Aucune mention n’est inutile, ne barrez rien.

C’est la raison pour laquelle les livres que j’écris figurent comme des OVNI au milieu d’un océan de bluettes sentimentales, de constructions néogothiques, de romans policiers plus ou moins gore. Quelle importance ? Ce qui compte, c’est que lectrices et lecteurs trouvent leur compte de rêve, de plaisir ou d’émotion. Je refuse de me laisser enfermer dans la catégorie biographie historique, témoignage, roman picaresque ou érotique. J’écris.

Indépendante, donc, et L’Anthogrammate a été retenu pour la promotion d’octobre des livres indépendants. Des livres numériques à moins d’un euro, c’est une idée maligne. Pour le prix d’un ticket de métro ou d’une revue, faites le plein : achetez les aventures d’une jeune fille accablée de malheurs (ça finit bien), celles d’un loser poursuivi par un vampire venu d’une autre galaxie (ça finit mal) et les aventures de ma sexagénaire qui découvre à la retraite les joies du mensonge, du stop et de l’amitié.

PhotoDeProfilUne chose me contrarie cependant : le graphisme de l’affiche privilégie d’une manière scandaleuse la jeune fille de la catégorie bluette. Allongée dans l’herbe d’une pelouse impeccablement tondue, chaussée de talons aiguille, un jeune benêt penché vers elle avec des intentions louches, elle lit un livre. Enfin elle essaie.

Vraiment cette affiche me chagrine. Tout d’abord, mesdames, cela vous est-il déjà arrivé de vous balader dans une prairie avec des talons aiguille et de les conserver PROPRES ?  Ensuite la promotion concerne seulement les livres numériques ; je suis d’accord, la tablette c’est moins romantique, mais cela éviterait les confusions. Pour finir, la promotion a lieu tout le mois d’octobre : l’herbe est humide, les jeunes de l’affiche vont attraper la mort. Alors j’ai demandé à mon mari de rajouter une marguerite au bout du talon de la souriante demoiselle, d’abord parce que l’héroïne de L’Anthogrammate se prénomme comme la fleur, ensuite pour rappeler aux jeunettes que les vieilles dames aussi s’éclatent. C’est sûr, elles peuvent difficilement lever le talon aiguille dans une prairie sans rester coincées, mais question audace, esprit acéré et entraide amicale, elles pourraient donner des leçons à leurs jeunes congénères.

LeMoisDesIndés2

Alors voilà l’affiche modifiée. Cachez la marguerite, vous verrez, c’est déjà beaucoup plus fade. Pour moins d’un euro, t’as plus rien ? Mais si, tu as une pinte de rire et un zeste de réflexion, le tout assaisonné d’émotion. Bonne lecture !

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Le cas Eduard Einstein, le fils sacrifié du grand Albert

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EinsteinLaurent Seksik est médecin de formation, il ne faut pas l’oublier en lisant Le cas Eduard Einstein. Le cas désigne en médecine le malade lui-même, à savoir le deuxième fils d’Albert Einstein, mais aussi toute la problématique qui entoure celui-ci.

Laurent Seksik revient dans ce roman sur les zones d’ombre du plus médiatique des prix Nobel. On sait seulement depuis 1989, grâce à des lettres que Milena (la première épouse d’Albert) n’a pas brûlées malgré l’insistance du grand physicien, que le couple a eu une fille dont il n’a jamais parlé. La petite Liserl, placée immédiatement en nourrice après sa naissance dans le village natal de Milena, est morte quelques mois plus tard de la scarlatine. Liserl, l’enfant secrète et sacrifiée à l’autel de la recherche, liera les deux ex-époux dans une culpabilité plus forte que bien des connivences. Qui a décidé d’écarter ce nouveau-né qui allait prendre trop de place dans les recherches des deux savants ? Milena, la mère, Albert, le père ? Qui a fait pression sur l’autre ? Ce n’est pas le sujet du livre. Après Liserl, le couple aura deux garçons. Tout d’abord Hans-Albert puis Eduard, l’enfant fragile. De Hans-Albert qui deviendra plus tard un éminent ingénieur, nous ne saurons pas grand-chose. Il sort du chapeau par épisodes et n’a pas beaucoup de consistance dans ce roman. Continuer la lecture

Le cas Eduard Einstein
Laurent Seksik
Flammarion, août 2013, 304 p., 19 €
ISBN : 978-2081248571

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