Archives de l’auteur : Nicole Giroud

Le rayon bleu, la menace nucléaire selon Slobodan Despot

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Slobodan Despot est un personnage irritant et fascinant qui bouscule très souvent la bien-pensante Helvétie. Son Antipresse livre très souvent des analyses d’une justesse et d’une hauteur de vue confondantes sur les décisions dangereuses prises dans la Confédération helvétique, comme par exemple les choix sur la ressource énergétique ou la porte ouverte à l’Islam radical. Je suis beaucoup plus réservée (parce que indifférente ?) concernant ce qui est typiquement serbe.

J’avoue que le personnage me plaît. Un tel art de se faire des ennemis tout en gérant sa notoriété est remarquable ! Plus sérieusement sa capacité de travail et son écriture provoquent mon admiration. Le miel avait suscité mon enthousiasme : un premier roman aussi maîtrisé, aussi fort, cela laissait augurer une carrière littéraire exceptionnelle ! Je me suis précipitée sur Le rayon bleu dès sa parution.

J’ai mis un temps à la mesure de ma perplexité et de ma déception avant d’écrire cet article.

rayon bleuLe sujet du roman est d’une grande importance, loin de la littérature nombriliste et des sujets biographiques reflétant un certain épuisement de la matière romanesque contemporaine. Slobodan Despot nous parle de la menace atomique, menace que nous avons oubliée depuis la guerre froide alors que rien n’empêche actuellement le président américain d’appuyer sur le bouton sans en référer au Congrès, par exemple. Sans compter la Corée du Nord ou le Pakistan. Nous dansons avec insouciance au-dessus d’une menace plus grave encore qu’il y a cinquante ans maintenant que de plus en plus de dictateurs possèdent l’arme nucléaire.

Le roman commence par un très beau chapitre : Kouzmine part un matin à moto et rejoint la « Cité de la jeunesse Patrice Lumumba », un camp de jeunesse abandonné. Visite de routine. Ce camp abandonné servait de couverture au laboratoire nucléaire où travaillait le scientifique. Jusqu’au rayon bleu provoqué par l’explosion d’un réacteur grand comme une cocotte-minute. Le fantôme des enfants est superbement évoqué en creux pendant que Kouzmine continue son travail : il relève des codes dont il ne connaît ni l’origine ni la signification et les transmet à un numéro de téléphone en France, téléphone qui sonne depuis des années dans le vide.

Superbe ! Continuer la lecture

Le rayon bleu
Slobodan Despot
Gallimard, avril 2017, 192 p., 17€
ISBN : 9782072710056

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Le combat ordinaire : Manu Larcenet radiographie sa vie et la nôtre

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Depuis quelques temps j’avais de la peine à m’enthousiasmer pour ce que je lisais. Très peu de romans me semblaient de la littérature, soit que la qualité de l’écriture n’était pas au rendez-vous, soit que la matière était absente, soit au contraire qu’elle était riche mais mal traitée.

Mon enthousiasme faiblissait, chers lecteurs.

Je me suis rabattue sur les témoignages, avec d’heureuses surprises comme celle de Elena Lappin ou celui de Josef Schovanec, Je suis à l’Est ! Témoignage d’un savant autiste avec préface de Jean Claude Ameisen, la voix savante qui me fait frissonner tous les samedis à onze heures sur France Inter avec son émission Sur les épaules de Darwin, sur les épaules des géants.

Depuis le magnifique roman de Carine Fernandez Mille ans après la guerre je n’avais pas l’impression d’avoir lu de littérature. Heureusement une amie très chère m’a fait découvrir une bande dessinée qui m’a bouleversée et restitué ma passion défaillante.

Le-combat-ordinaire t.1J’aimerais donc vous parler aujourd’hui de la bande dessinée en quatre volumes de Manu Larcenet intitulée Le combat ordinaire. Ce beau titre explicite le matériau de la série. Ici pas de grande saga avec héros flamboyants et héroïnes aux attributs sexuels hypertrophiés, non, du quotidien, du fragile, du contradictoire. Un photographe un peu perdu raconte sa vie, difficultés ordinaires, peurs multiples, relations conflictuelles. Le sexe n’est pas facile, les relations familiales non plus, et prendre des décisions relève du parcours du combattant. Ce fameux combat ordinaire pour tenir la tête hors de l’eau et tenter d’avancer.

Marco a quitté son psy ainsi que son travail de reporter de guerre, et il s’installe à la campagne sans véritable projet. Marco est pétri de peurs et d’angoisses diverses. Rendre visite à ses parents est une épreuve, heureusement il y a son frère, pétards et blagues privées qui ancrent les deux frangins dans une complicité d’enfance dont ils peinent à sortir. On ne connaîtra jamais le véritable prénom du frère de Marco. Continuer la lecture

Le combat ordinaire (Tome 1)
Manu Larcenet…
Dargaud, avril 2011, 56 p., 13,99€
ISBN : 9782205054255

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Juno et la danse des nuages de Jupiter

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La sonde Juno (nom latin de Junon, la sœur-épouse de Jupiter) est partie pour un immense voyage il y plus de six ans, le 5 août 2011. Six longues années qui l’ont menée de l’orbite de Mars avec retour vers la Terre avant d’être relancée comme une balle de ping-pong vers Jupiter, sa destination finale.

Elle s’est positionnée en orbite autour de la planète gazeuse, désormais au point le plus proche de Jupiter, et survole les couches nuageuses externes à une distance d’à peine 5000 kilomètres.

Les images qu’elle nous transmet et que la NASA relaie sont absolument magiques.

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Une danse de créatures ondulantes qui virevoltent en un lacis étrange,

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dans la partie gauche de l’image une créature proche d’une fouine darde deux yeux dorés pendant qu’un petit soleil virevolte sous ses pattes

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pendant que d’autres créatures se mêlent d’une façon légèrement obscène. Nuages ? Danse étrange de formations inconnues, mais images fabuleuses que je vous encourage à contempler sur le site New atlas qui relaie les images de la NASA. Une quarantaine d’images pour rêver, se troubler, s’émerveiller de la diversité des mondes inconnus.

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Treize jours et des sévices en trop

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13 joursLe chiffre 13 porte malheur dans ce roman : c’est le nombre de jours que Mireille Duval Jameson va rester prisonnière de ses geôliers et subir leurs sévices sexuels en attendant que son père, riche homme d’affaire d’Haïti, paie la rançon.

Celui-ci traîne par principe moral : il est sûr qu’après sa plus jeune fille, ce sera au tour des autres femmes de la famille d’être enlevées. Il a surtout l’air de ne pas vouloir sortir un million de dollars de sa poche.

Mireille est mariée à un Américain, Michael, prototype du mari idéal : il est beau, supporte tous les caprices de son épouse (parfois on a envie de lui donner une fessée à cette enfant gâtée) et il est le père de son petit Christophe que Mireille allaite toujours lorsqu’elle est enlevée à la sortie de la somptueuse propriété de ses parents. La petite famille est en vacances à Haïti lorsqu’elle est victime de l’industrie la plus florissante de l’île, le kidnapping.

Tout se mélange dans ce roman : la description de la misère crasse du peuple haïtien et de l’opulence indécente de la classe dirigeante, la corruption, la violence, le sadisme, le tout entrelardé des souvenirs de Mireille de sa vie d’avant. Continuer la lecture

Treize jours
Roxane Gay
traduit de l’anglais (États-Unis) par Santiago Artozqui
Denoël, 480 p., 22,90 €
ISBN : 978-2-207-13594-5

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Les vivants au prix des morts et le narrateur au prix de l’auteur

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FrégniVous est-il arrivé de lire un livre à cause de son titre ? Personnellement cela m’arrive très souvent, l’appel du titre c’est comme l’air du large quand il est plein de sel, de mystère et de nostalgie. Les vivants au prix des morts, quel titre magnifique !

Je ne connaissais pas l’auteur, quelle importance ? Ouverture au hasard des pages et confirmation que l’écriture de l’auteur était aussi belle que ce titre mystérieux dont la quatrième de couverture éclairait la signification :

Lorsque le douzième coup de midi tombe du clocher des Accoules, un peu plus bas, sur les quais du Vieux-Port, les poissonnières se mettent à crier : « Les vivants au prix des morts ! » Et chaque touriste se demande s’il s’agit du poisson ou de tous ces hommes abattus sur un trottoir, sous l’aveuglante lumière de Marseille…

Continuer la lecture

Les vivants au prix des morts
René Frégni
Gallimard, mai 2017, 192 p., 18 €
ISBN : 978-2-07-273282-9

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