Archives par étiquette : Roman

Au revoir là-haut, guerre, crapules et excès

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Au_revoir_la-haut

Si ce n’est déjà fait, le roman de Pierre Lemaitre Au revoir là-haut ayant connu un succès phénoménal, je ne saurai trop vous encourager à le lire avant la suite qui connaît en ce moment un énorme battage médiatique. Vous vous trouverez plongé dans l’atmosphère parfaitement bien rendue de l’immédiat après-guerre. La grande, celle de 14-18.

Lorsque le roman débute, la guerre n’est pas tout à fait terminée. Lors de la dernière attaque française contre l’ennemi, attaque suscitée par la fureur des Poilus devant les Boches qui ont exécuté deux éclaireurs, le soldat Albert Maillard se rend compte que les soldats ont été abattus dans le dos. Il comprend aussitôt que c’est l’officier commandant, le lieutenant d’Aulnay-Pradelle – abrégé en Pradelle par les soldats – qui est responsable de ces meurtres. Ce dernier pousse Albert dans un cratère de bombe où le malheureux est vite enseveli sous les giclées de boue provoquées par une autre bombe. Surgit alors un autre soldat, Édouard Péricourt, qui sauve Albert mais voit la moitié de son visage emportée par un éclat d’obus.

En cinquante pages, les trois personnages principaux sont campés : le petit comptable Albert, l’artiste grand bourgeois Édouard et l’arriviste noble sans scrupules Pradelle. On entre dans le vif du sujet, fort bien documenté. La gabegie de l’immédiat après-guerre, les gueules cassées et leur impossible retour à la vie civile où on les a remplacées, tout est là, y compris la douleur des familles. Continuer la lecture

Au revoir là-haut
Pierre Lemaitre
Albin Michel, août 2013, 576 p., 22,50€
ISBN : 9782226249678

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La part des anges : de l’alcool dans le dernier roman de Bénégui ?

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La-part-des-angesLa part des anges est la petite quantité d’alcool qui disparaît dans l’atmosphère alors que le whisky se trouve dans le tonneau. On ne connaît pas d’explication à ce phénomène, c’est peut-être la raison pour laquelle Laurent Bénégui l’a utilisé dans son dernier roman comme métaphore du corps et de l’âme.

La mère de Maxime vient de mourir, et ce cartésien se trouve empêtré dans des sentiments contradictoires alors qu’il a un tas de décisions à prendre comme le choix du modèle de cercueil et celui de la crémation. Tout cela au téléphone, car sa mère s’était installée au pays basque. Au bout de quatre pages de conversation technique, le héros se laisse aller au chagrin, et cette larme est aussitôt relevée par sa mère qui interviendra régulièrement en italique.

La part des anges. Ce qui s’évanouit dans l’air. Cette parcelle d’âme qui subsiste dans le monde des vivants, Muriel la met à profit pour essayer d’aiguiller la vie de son fils dans une direction qui lui plaît, c’est-à-dire celle de la ravissante infirmière qui s’est occupée d’elle et qu’elle a prise en amitié. Continuer la lecture

La part des anges
Laurent Bénégui
Julliard, septembre 2017, 198 p., 17 €
ISBN : 978-2260029793

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Treize jours et des sévices en trop

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13 joursLe chiffre 13 porte malheur dans ce roman : c’est le nombre de jours que Mireille Duval Jameson va rester prisonnière de ses geôliers et subir leurs sévices sexuels en attendant que son père, riche homme d’affaire d’Haïti, paie la rançon.

Celui-ci traîne par principe moral : il est sûr qu’après sa plus jeune fille, ce sera au tour des autres femmes de la famille d’être enlevées. Il a surtout l’air de ne pas vouloir sortir un million de dollars de sa poche.

Mireille est mariée à un Américain, Michael, prototype du mari idéal : il est beau, supporte tous les caprices de son épouse (parfois on a envie de lui donner une fessée à cette enfant gâtée) et il est le père de son petit Christophe que Mireille allaite toujours lorsqu’elle est enlevée à la sortie de la somptueuse propriété de ses parents. La petite famille est en vacances à Haïti lorsqu’elle est victime de l’industrie la plus florissante de l’île, le kidnapping.

Tout se mélange dans ce roman : la description de la misère crasse du peuple haïtien et de l’opulence indécente de la classe dirigeante, la corruption, la violence, le sadisme, le tout entrelardé des souvenirs de Mireille de sa vie d’avant. Continuer la lecture

Treize jours
Roxane Gay
traduit de l’anglais (États-Unis) par Santiago Artozqui
Denoël, 480 p., 22,90 €
ISBN : 978-2-207-13594-5

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Les vivants au prix des morts et le narrateur au prix de l’auteur

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FrégniVous est-il arrivé de lire un livre à cause de son titre ? Personnellement cela m’arrive très souvent, l’appel du titre c’est comme l’air du large quand il est plein de sel, de mystère et de nostalgie. Les vivants au prix des morts, quel titre magnifique !

Je ne connaissais pas l’auteur, quelle importance ? Ouverture au hasard des pages et confirmation que l’écriture de l’auteur était aussi belle que ce titre mystérieux dont la quatrième de couverture éclairait la signification :

Lorsque le douzième coup de midi tombe du clocher des Accoules, un peu plus bas, sur les quais du Vieux-Port, les poissonnières se mettent à crier : « Les vivants au prix des morts ! » Et chaque touriste se demande s’il s’agit du poisson ou de tous ces hommes abattus sur un trottoir, sous l’aveuglante lumière de Marseille…

Continuer la lecture

Les vivants au prix des morts
René Frégni
Gallimard, mai 2017, 192 p., 18 €
ISBN : 978-2-07-273282-9

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Le cas Eduard Einstein, le fils sacrifié du grand Albert

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EinsteinLaurent Seksik est médecin de formation, il ne faut pas l’oublier en lisant Le cas Eduard Einstein. Le cas désigne en médecine le malade lui-même, à savoir le deuxième fils d’Albert Einstein, mais aussi toute la problématique qui entoure celui-ci.

Laurent Seksik revient dans ce roman sur les zones d’ombre du plus médiatique des prix Nobel. On sait seulement depuis 1989, grâce à des lettres que Milena (la première épouse d’Albert) n’a pas brûlées malgré l’insistance du grand physicien, que le couple a eu une fille dont il n’a jamais parlé. La petite Liserl, placée immédiatement en nourrice après sa naissance dans le village natal de Milena, est morte quelques mois plus tard de la scarlatine. Liserl, l’enfant secrète et sacrifiée à l’autel de la recherche, liera les deux ex-époux dans une culpabilité plus forte que bien des connivences. Qui a décidé d’écarter ce nouveau-né qui allait prendre trop de place dans les recherches des deux savants ? Milena, la mère, Albert, le père ? Qui a fait pression sur l’autre ? Ce n’est pas le sujet du livre. Après Liserl, le couple aura deux garçons. Tout d’abord Hans-Albert puis Eduard, l’enfant fragile. De Hans-Albert qui deviendra plus tard un éminent ingénieur, nous ne saurons pas grand-chose. Il sort du chapeau par épisodes et n’a pas beaucoup de consistance dans ce roman. Continuer la lecture

Le cas Eduard Einstein
Laurent Seksik
Flammarion, août 2013, 304 p., 19 €
ISBN : 978-2081248571

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