Le silence de mon père, enquête journalistique et filiale

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lesilencedemonpereLe silence de mon père est une quête du père à travers souvenirs et éléments troublants qui mènent l’auteur de quête à enquête. Il est vrai que nous ne connaissons de nos parents que le reflet laissé par notre enfance, que par les échos et souvenirs qu’ils ont bien voulu laisser franchir le mur du passé.

La journaliste d’investigation Doan Bui a mis longtemps avant de se plonger dans le passé de son père, médecin taiseux si différent de sa femme exubérante. Les parents d’origine vietnamienne semblaient s’opposer sur tant de points : le père n’avait jamais pu se départir de son fort accent vietnamien alors que sa femme avait fait ses études dans une école française et parlait le français sans accent. Leurs cinq enfants les rapprochaient, et leur volonté farouche de réussite scolaire ; la religion de l’école comme instrument d’insertion sociale. Continuer la lecture

Le silence de mon père
Doan Bui
L’Iconoclaste, mars 2016, 256 p., 19 €
ISBN : 979-10-95438-10-6

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Doan Bui : surabondance de mots est silence

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Les rencontres avec les lecteurs figurent parmi  les passages obligés imposés à l’écrivain par les diverses institutions : éditeurs, sponsors culturels, bibliothèques participant à certains prix littéraires et j’en passe. Pourquoi de tels événements ? Le livre ne suffit-il pas ? Non, le livre ne suffit pas. Le lecteur demande plus, il veut la chair de l’auteur, le sang de son écriture, un morceau de son âme à coller sur la page de garde après un beau moment partagé, un soir, dans le silence d’une bibliothèque ou d’une librairie.

Les moments privilégiés entre auteur et lecteurs peuvent être très forts. Je me souviens d’une soirée avec Hubert Mingarelli le taiseux, de ce moment magnifique où, après avoir accumulé des silences, il s’est ouvert à la confiance face à une jeune fille qui avait si bien lu ses livres. Les personnes présentes retenaient presque leur souffle. Instant précieux où la façon d’écrire, les mécanismes de la création deviennent lumineux. Échanges presque intimes, respect mutuel, moment de grâce, osons le mot.

Doan BuiCela ne se passe pas toujours ainsi. Il y a un peu plus d’une semaine, ma bibliothèque préférée annonçait une rencontre exceptionnelle avec la journaliste Doan Bui. La jeune femme d’origine vietnamienne, grand reporter au Nouvel Obs, a obtenu le prix Albert Londres 2013 pour son reportage Les Fantômes du fleuve sur les immigrés qui essayent de pénétrer en Europe par la Turquie, via la Grèce. Continuer la lecture

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Une femme drôle : Zouc, double de Maryline Desbiolles

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Une femme drôleCe petit livre si dense, si personnel de Maryline Desbiolles me trouble profondément.

L’auteur découvre l’artiste suisse à la télévision durant son enfance, dans les années 70, télévision en noir et blanc, Zouc tout en noir devant un rideau blanc, Zouc, de son vrai nom Isabelle von Allmen, née en 1950 dans le canton de Berne. Zouc, l’artiste si singulière qui suscite le rire ou le malaise, ou les deux à la fois. Une artiste peut-être destinée aux femmes, tant elle leur parle d’elles à toutes les étapes de leur vie.

Zouc, cette comédienne étrange, pourvue d’un accent suisse et d’une voix capable de monter très haut dans les aigus lorsqu’elle se livre à l’une de ses incarnations : en scène, elle est à la fois la petite fille capricieuse, la mère exaspérée, la maîtresse d’école, la paysanne du Jura… Zouc, drôle à faire peur.

Lisez attentivement la magnifique quatrième de couverture qui est un condensé de ce livre attachant et déroutant. Continuer la lecture

Une femme drôle
Maryline Desbiolles
Éditions de l’Olivier, octobre 2010, 80 p., 11,20 €
ISBN : 9782879297224

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Reconnaissance, le livre universel de Pierre Péju

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ReconnaissanceLire Reconnaissance de Pierre Péju, c’est pénétrer dans un pays dont on aurait oublié les paysages et les retrouver grâce à la clarté et  la netteté cruelle du style, la beauté de l’agencement des mots. Nous voilà enfin en pays de connaissance ou de re-connaissance, rivière douce et cruautés diverses, paysage enchanteur ou angoissant, nous voilà revenus dans notre pays, notre enfance chahutée ou cruelle, avec ses personnages improbables, mais chacun sait que la réalité dépasse la fiction.

L’argument de Reconnaissance paraît bien mince, comme un conte d’enfance surgi dans la vie d’un écrivain qui adorerait raconter des histoires. Voici ce que Pierre Péju écrit sur la quatrième de couverture : Continuer la lecture

Reconnaissance
Pierre Péju
Gallimard, janvier 2017, 368 p., 21 €
ISBN : 978-2-07-269735-7

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Norma, opéra finlandais chevelu et confus

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De l’art de se laisser piéger par la quatrième de couverture… J’avais beaucoup aimé Avec joie et docilité de la Finlandaise Johanna Sinisalo, je me suis donc réjouie de découvrir Norma de Sofi Oksanen, également Finlandaise. La quatrième de couverture promettait le meilleur roman de l’année, j’aurais dû me méfier.

NormaAnita Ross s’est jetée sous le métro d’Helsinki, mais absolument rien ne laissait prévoir un geste désespéré, et sa fille Norma se lance dans la recherche de la vérité.

Un polar finlandais ? Un roman fantastique ? Un roman de société ? Un peu de tout cela à la fois. Le polar, c’est évident : une mort suspecte, des gens menaçants qui rôdent et la fille de la victime, Norma, qui enquête.

Norma est victime d’un hirsutisme très particulier : non seulement ses cheveux poussent à toute allure, l’obligeant à les couper plusieurs fois par jour, mais ils sont vivants. Ils ressentent des émotions, repèrent les maladies graves. Ils empêchent Norma de mener une vie normale. Voilà pour le côté fantastique.

L’enquête de Norma la mènera du trafic de cheveux (les siens !) pour femmes en quête de beauté capillaire à des fermes d’enfants, où des femmes misérables louent leur ventre pour que d’autres femmes puissent satisfaire leur désir d’enfant. Voilà pour l’aspect sociétal. Continuer la lecture

Norma
Sofi Oksanen
Stock, mars 2017, 396 p., 22 €
ISBN : 9782234081796

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