Archives de l’auteur : Nicole Giroud

Le délit de solidarité, honneur et honte

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un-agriculteur-juge-pour-avoir-aide-des-migrants-venant-d-italieCe mercredi 4 janvier 2017 sera jugé un paysan de la Roya qui a hébergé des migrants, Cédric Herrou. Vendredi 6 janvier 2017 ce sera le tour d’un enseignant-chercheur habitant dans la même vallée, Pierre-Alain Mannoni.

Ils ont commis le même crime d’état, de notre république française : aide aux migrants, ces malheureux rejetés comme des balles de ping-pong entre la France et l’Italie.

Cela s’appelle le délit de solidarité, passible de cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Délit de solidarité. On croit cauchemarder devant cette loi mise en vigueur en 1945, juste après les horreurs nazies, juste après que l’honneur de la France a été défendu par tous ces hommes et ces femmes qui ont désobéi à l’état et sauvé des Juifs au péril de leur vie. Ceux que l’on appelle les Justes. Sera poursuivie par la justice

Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France […]

Loi gênante, loi honteuse, qui a suscité des vagues d’indignation ;  le texte a été amendé plusieurs fois, cela sonnait vraiment trop mal pour nos politiques qui se gargarisent de notre devise, la main sur le cœur et les yeux rivés sur le pouvoir. Continuer la lecture

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La Cheffe, roman d’une cuisinière, sauce ratée

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la-cheffeUne femme atteint la gloire dans le milieu très masculin de la cuisine alors que rien dans son origine sociale ne la prédisposait à un tel destin. L’ex-assistant et amoureux transi de la Cheffe raconte la vie de celle-ci telle qu’il a pu la reconstituer. À ce récit primitif s’entrelarde la vie du narrateur en Espagne dans un de ces ghettos pour retraités français de la classe moyenne (description cruelle et très réussie de ces vieux qui se comportent comme des jeunes, histoire d’avoir réussi leur vie).

La Cheffe, le personnage principal, animé de la grâce, qui transcende les produits pour offrir la quintessence du goût à ceux qui vont les ingérer, ne connaît qu’une faiblesse : sa fille. Et celle-ci causera sa perte, par jalousie, vanité et méconnaissance de l’instrument de travail de sa mère. C’est fort bien vu : nombre de restaurants ont sombré devant la sottise des enfants et l’amour inconditionnel des parents refusant de voir les incapacités de leurs rejetons. Continuer la lecture

La Cheffe, roman d’une cuisinière
Marie Ndiaye
Gallimard, octobre 2016, 275 p., 17,90 €
ISBN : 978-2-07-011623-2

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Cent ans : le hareng, la mer et l’amertume

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cent-ansJe vous propose une saga norvégienne familiale, pour sortir de l’hexagone et de ses micro-tourments biographiques : Cent ans de la vie d’une famille vus à travers le regard des femmes qui se succèdent de génération en génération.
N’attendez pas de grandes envolées lyriques, une ode au passé de familles triomphantes, avec histoires d’amour et déchirements, entre Dallas et Le sang de la vigne où la belle héroïne est sacrifiée sur l’autel de la cohésion et de la richesse familiale. Saga est un mot mal choisi pour ce texte puissant, rugueux, plein de sentiments violents qui ne doivent rien à la fiction. Ce livre tient de l’arrachement et de l’imprécation.

Lisez plutôt les toutes premières lignes de ce pavé de presque six cents pages qui se dévore de manière addictive :

La honte. Pour moi, c’est le cœur du problème. La honte, j’ai toujours essayé de la camoufler, de l’esquiver ou d’y échapper. Écrire des livres est en soi une honte difficile à cacher puisqu’elle est documentée de manière irréfutable. La honte y trouve son format, pour ainsi dire.
Durant mon enfance et mon adolescence à Versterälen, je tiens un journal dont le contenu est terrifiant. Si éhonté qu’il ne doit tomber sous les yeux de personne. Les cachettes sont diverses, mais la première est dans l’étable vide de la ferme que nous habitons. Sur une solive que je peux atteindre par une trappe aménagée dans le plancher et qui servait autrefois à évacuer le fumier. l’étable devient en quelque sorte un lieu d’asile. Vide. À part les poules. Et j’ai pour tâche de leur donner à manger. […]
Un dimanche matin, il fait son entrée dans l’étable. Je pense à me sauver mais il bouche l’entrée. Je dissimule le carnet en le faisant glisser dans ma botte avant même qu’il ne s’en rende compte. Ce n’est pas non plus le carnet qui l’intéresse, car il ignore encore ce que je peux bien trouver à écrire.

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Cent ans
Herbjørg Wassmo
Traduit du norvégien par Luce Hinsch
Gaïa, février 2011, 557 p., 24€
ISBN : 978-2-84720-182-6

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Parcs d’attractions, I

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Voici revenu le temps des lumières d’enfance, illuminations et marrons chauds, Pères Noël et promotions commerciales à gogo. Voilà revenu le temps de l’excès, des enfants gâtés, des enfants déçus, des enfants blasés. Adultes sur-occupés, angoissés, au bord du vide existentiel ; le temps des barbares n’en finit pas, quoi, aucune trêve ? Comment oublier la morosité, la pollution, les grèves, la guerre en Irak et ailleurs, les attentats ?  La fête chrétienne qui a supplanté l’antique fête païenne ne suffit pas à masquer le vide, une fois passées l’excitation et l’espérance.

Besoin de vous étourdir un peu plus ? Je vous emmène en Amérique du Sud, à Buenos Aires, capitale de l’Argentine, visiter le parc d’attraction Terra Santa, Terre Sainte, pas la peine de traduire… Ce parc d’attraction est destiné à la famille chrétienne.

Attraction, du latin attractio, tirer… Tirer vers soi, séduire… Définition du Petit Larousse illustré : Distraction mise à disposition du public dans certains lieux ou à l’occasion de manifestations, de réjouissances collectives. Parc d’attractions.

La vidéo est proprement sidérante : tous les personnages illustrant la vie du Christ sont à taille réelle et se mêlent aux comédiens, danseuses ou animaux articulés pour immerger les visiteurs dans un mélange de confusion et de rêve. Tout est toc, brut, mais ça marche ! Dans la foule des visiteurs, un homme âgé baise la main d’une Vierge en plastique grandeur nature, un enfant glisse sa tête dans le casque d’un centurion pour la photo, des danseuses orientales dénudées agitent leurs voiles devant le temple. Continuer la lecture

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Black coffee, avec trop de crème

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black-coffeeVoilà un roman policier qui cumule le meilleur et le pire de ce que l’on peut écrire.

Le long de la mythique route 66, un assassin psychopathe sème les morts comme des cailloux durant des décennies. Impossible à découvrir : pas de témoin, l’immensité américaine pour compagne. Pas de témoin ? Un enfant de huit ans, Desmond, a échappé au massacre de sa famille, il deviendra criminologue, bien sûr.

L’assassin vieillit, vit l’intense frustration de qui a créé une œuvre d’art non reconnue ; il choisit un Français qui a fui sa famille lors de vacances américaines pour écrire son histoire. Ce mauvais père, mauvais mari ayant laissé sa femme dans une situation morale et financière inextricable sent qu’il tient un filon et décide d’expédier le cahier à sa femme. Les confessions d’un serial killer valent de l’or.

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Black coffee
Sophie Loubière
Fleuve Noir, février 2013, 564 p., 20,90 €
ISBN : 978-2-265-09407-9

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