Archives par étiquette : Littérature française

Adieu la morosité avec Loin d’Alexis Michalik

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Enfin un roman qui vous secoue de rire, qui vous tient en haleine pendant 750 pages, un texte qui cavale à toute allure, pas le temps de souffler pour ce pauvre Antoine embarqué dans un périple inattendu, et le lecteur en redemande, poussé par tant de vitalité, d’humour et de roublardise.

Si vous arrivez à répondre sans irritation à la personne de votre vie qui vous signale qu’il est déjà deux heures du matin et que vous travaillez dans quelques heures ou autres billevesées destinées à vous sortir de votre lecture, félicitations !

Par pure paresse, et parce que cela reflète fort bien l’argument, je vous livre la quatrième de couverture :

Tout commence par quelques mots au dos d’une carte postale : « Je pense à vous, je vous aime. » Ils sont signés de Charles, le père d’Antoine, disparu dix-sept années plus tôt sans laisser d’adresse. Avec son meilleur ami, Laurent, et sa jeune sœur, Anna, aussi instable qu’irrésistible, Antoine part donc, à vingt-six ans, sur les traces de ce père fantôme. L’affaire d’une semaine, pense-t-il… De l’ex-Allemagne de l’Est à la Turquie d’Atatürk, de la Géorgie de Staline à l’Autriche nazie, de rebondissements en coups de théâtre, les voici lancés dans un road movie généalogique.

Antoine est un jeune homme posé limite ennuyeux qui va se marier bientôt, le genre de garçon destiné à faire toute sa vie le même trajet jusqu’au travail, tout le contraire d’Anna, sa jeune sœur, incapable de faire autre chose dans sa vie que de séduire tout ce qui se trouve à sa portée, y compris Laurent, le meilleur ami de son frère. D’autres éléments se greffent dans la fratrie dont on comprendra très vite que, si elle ne paraît pas simple, elle va se compliquer encore. Continuer la lecture

Loin
Alexis Michalik
Le live de Poche, avril 2021, 768 p., 9,40€
ISBN : 978-2-253-10359-2

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L’immersion de Bérengère Cournut dans un monde De pierre et d’os

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Oubliez votre quotidien, votre confort et votre routine, vous allez accompagner Uqsuralik, et vous ne la quitterez que sonné, fasciné, à la fin de ce texte à nul autre pareil.

L’adolescente inuit sent couler quelque chose de chaud entre ses cuisses et sort de l’igloo familial dans la nuit polaire, juste avant que la banquise craque et la sépare de sa famille.

Alerté par le bruit, son père parvient à lui lancer un harpon, quelques maigres provisions, et une dent d’ours, amulette magique qui devrait la protéger. Elle va devoir se débrouiller toute seule, et nous avançons avec elle dans le chaos de glace. Le froid, le danger, la faim. Omniprésents. Mâcher ses chaussures, lutter contre les chiens attirés par l’odeur du sang. Elle ne désespère pas puisque les esprits l’accompagnent de leur chant, tout comme les éléments, car cet univers si dur est traversé de poésie. Uqsuralik n’est pas seule, les chants des divinités et des hommes disparus l’accompagnent :

« Chant du vent et de l’orage
Nous sommes l’été
Nous sommes le Nord et le Sud
Nous sommes les vents violents
Qui soulèvent la terre et l’eau
Nous sommes la chaleur et la fièvre
Nous sommes l’air vibrant dans la lumière
Nous sommes le sang qui coule
Dans tes veines et sous ta peau
[…]
Notre présence va tout emporter
Tout bouleverser
Nous allons briser les pierres
Transformer ta chair
Faire de toi un chemin
D’étoiles et de poussière
[…]
»

La jeune fille devient femme au fil des rencontres, bonnes ou mauvaises, avec les hommes, les esprits et les animaux. Elle avance dans son périple et dans sa vie, et nous avec elle, plongés dans ce monde si étranger au nôtre que nous progressons dans le texte, envoûtés, stupéfiés. Continuer la lecture

De pierre et d’os
Bérengère Cornut
Le Tripode, Août 2019, 240 p., 19€
ISBN : 9782370552129

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S’adapter, de Clara Dupont-Monod : conte et réalité cruels

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Si l’on commençait par l’histoire du cacatoès ?

Mon amie brésilienne se proposa pour garder pendant leur absence le cacatoès de compatriotes partis au pays. Ce bel oiseau blanc avait appris à siffler l’hymne brésilien, c’était un perroquet patriote qui adorait la vie en société. Pas de problème, il y a toujours de l’animation chez mon amie. Un jour elle oublia de fermer la cage et l’oiseau s’enfuit. Panique à bord, téléphones aux différentes associations de défense des oiseaux, rien pendant un temps qu’elle estima très long, d’autant plus que les amis devaient rentrer bientôt du Brésil.

C’est alors qu’il y eut une sorte de petit miracle : un particulier très investi dans le soin des animaux perdus avait récupéré un cacatoès à huppe jaune trois semaines plus tôt. Vite la cage et la voiture, mais arrivée dans l’arche de Noé, perplexité : il y avait trois cacatoès parfaitement identiques en face d’elle. Mon amie eut un éclair de génie : elle se mit à siffler l’hymne national brésilien et l’un des cacatoès devint complètement fou, s’agitant à se blesser dans sa cage. Aucun doute possible, c’était lui.

Je me suis envolée pareillement de la cage où, semaine après semaine depuis des années, je vous faisais part de mes enthousiasmes ou réticences face aux livres que j’avais lus. Cette pause m’a permis de me concentrer sur mes propres textes et sur ce qu’on appelle, faute de mieux, la vie. Et puis, comme le perroquet de mon amie, un livre bouleversant porté par une écriture magnifique me ramena à mon blog.  Il s’agit de S’adapter de Claire Dupont-Monod. Ce n’est pas une nouveauté, il a provoqué l’effervescence il y a un an et a été récompensé par de nombreux prix, en particulier le Goncourt des lycéens 2021, ce qui prouve que la jeunesse a du goût et du cœur.

Ce livre, j’ai mis du temps à le lire, aspirée par un maelstrom de sensations et le besoin d’aller happer une goulée d’air à l’extérieur tant le texte est juste et fort.
Continuer la lecture

S’adapter
Clara Dupont-Monod
Stock, août 2021, 200 p., 18,50€
ISBN : 978-2-234-08954-9

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Le livre de ma mère d’Albert Cohen, un texte complaisant

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En ce moment, je pratique cette opération cruelle que les bibliothécaires appellent le désherbage. Pour faire de la place sur les rayonnages, les livres qui ne sont pas sortis depuis longtemps finissent sur les étagères Servez-vous.

Hier c’était au tour d’Albert Cohen et de son texte Le livre de ma mère, présenté comme « le chant d’amour le plus émouvant, le plus délicat, Un des plus beaux romans d’amour, Livre déchirant » et j’en passe. Comme les sensibilités ont changé !

Pour ma part, j’ajouterai : livre irritant, où l’auteur imbu de lui-même s’affirme avec une naïveté complaisante et emberlificotée.

Rien n’est plus cruel que le vieillissement d’un style, et ce texte paru en 1954 en est la preuve :

Allongée et grandement solitaire, toute morte, l’active d’autrefois, celle qui soigna tant son mari et son fils, la sainte Maman qui infatigablement proposait des ventouses et des compresses et d’inutiles et rassurantes tisanes, ankylosée, celle qui porta tant de plateaux à ses deux malades, allongée et aveugle, l’ancienne naïve aux yeux vifs qui croyait aux annonces des spécialités pharmaceutiques, allongée, désœuvrée, celle qui infatigablement réconfortait.

Cette mère en adoration devant son fils, est morte toute seule en 1943 pendant que son fils se trouvait à Londres. Continuer la lecture

Le livre de ma mère
Albert Cohen
Gallimard, avril 1974, 192 p., 6,30 €
ISBN : 978-2070365616

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L’anomalie du train 006 de Pascal Fioretto : un pastiche réjouissant

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Comment devient-on un excellent pasticheur ? En étant un grand lecteur, pour commencer, capable de repérer les thèmes récurrents de l’écrivain qu’il a pris pour cible, ses tics d’écriture et sa façon de penser. Dans L’Anomalie du train 006, Pascal Fioretto fait soliloquer ses victimes qui sont immédiatement identifiables par ses lecteurs. Ses victimes ? Oui, parce qu’un bon pasticheur doit saupoudrer son texte de méchanceté qui agit comme un acide sur une plaque de métal et la rend plus brillante.

Pascal Fioretto adore surfer sur la vague et parodier des auteurs au style extrêmement varié, choisissant à chaque fois l’ouvrage auquel personne n’a pu échapper en son temps : Sérotonine de Michel Houellebecq devint Mélatonine, L’Élégance du hérisson de Muriel Barbery se transforma en L’Élégance du maigrichon, quant à Marc Lévy, son célébrissime Et si c’était vrai vira en Si c’était niais. Redoutable.

Autant dire que, avec son million d’exemplaires vendus pour L’Anomalie, prix Goncourt 2020, Hervé Le Tellier ne pouvait lui échapper. Continuer la lecture

L’Anomalie du train 006
Pascal Fioretto
Éditions Herodios, juin 2021, 144 p., 16€
ISBN : 978-2-940-66629-4

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