Archives par étiquette : Roman

Le bal des folles, de Victoria Mas : plongée dans la folie féminine et la cruauté des hommes

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Fut un temps où des mendiantes croupissaient au fond d’une cellule et se faisaient mordre les doigts et les orteils par des rats. […] Fut un temps où une femme adultère pouvait être enfermée pour la seule raison qu’elle était adultère. L’hôpital a aujourd’hui l’apparence apaisée. Mais les spectres de toutes ces femmes n’ont pas pour autant quitté les lieux. C’est un endroit chargé de fantômes, de hurlements et de corps meurtris. Un hôpital où les murs seuls peuvent vous faire devenir folle si vous ne l’étiez pas en arrivant.

Bal des follesPour son premier roman, Victoria Mas a choisi la Salpêtrière au temps où l’immense hôpital était peuplé d’aliénées, au temps du docteur Charcot et de ses célèbres expériences sur les malades. Cela rappelle beaucoup La salle de bal d’Anna Hope, même époque, même oppression des faibles, même façon d’interner ceux qui dérangent. Plus troublant encore : la salle de bal… S’agit-il de la même façon de traiter la folie ?

L’autrice reconstitue de manière très réaliste l’atmosphère des lieux, les amphithéâtres où les hommes viennent assister aux séances du célèbre professeur, cette fin du XIXe siècle. Continuer la lecture

Le bal des folles
Victoria Mas
Albin Michel, mois année, 256 p., 18,90 €
ISBN : 978-2-226-44210-9

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Domovoï, de Julie Moulin : une magnifique ode à la Russie et à l’amour filial

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Il est habituel dans les milieux littéraires, de dire ou d’écrire que les lecteurs sont toujours déçus par le deuxième roman d’un auteur, que celui-ci ferait mieux d’enjamber cet obstacle et de sortir directement le troisième. Domovoï est le deuxième roman de Julie Moulin, et il est magnifique.

DomovoiLe domovoï qui donne son titre au livre est l’esprit protecteur de la famille et du foyer russes, (domoï c’est la maison en russe), mais ce petit génie ne se montre pas toujours sympathique, il peut jouer des tours cruels s’il estime que l’on ne s’est pas assez bien occupé de lui. C’est

Une sorte de nain barbu, griffu, au regard oblique dont la reproduction sur d’anciens livres en cyrillique me gardait éveillée jusque tard dans la nuit. J’espérais à ne jamais le rencontrer pour de vrai.

Anne, la mère de Clarisse, la narratrice du roman, l’a ramené de Russie avant la naissance de cette dernière. Anne est morte depuis dix ans. La jeune fille habite Paris avec son père, elle étudie à Sciences Po : amis, amours au stade velléitaire, difficultés à trouver sa place. De sa mère disparue, Clarisse garde le souvenir d’une femme fantasque, habitée par la Russie, au regard souvent éteint. Lorsqu’elle découvre une photo de groupe où sa mère a l’air si heureuse, la jeune fille décide d’effectuer son stage de Science Po en Russie. Devant son obstination, son père s’incline mais s’arrange pour lui baliser le parcours, lui qui a connu sa femme lors d’un stage à l’ambassade de France à Moscou. Veut-il offrir à sa fille l’occasion de découvrir par elle-même un pan de l’histoire familiale qu’elle ignore ? Veut-il l’aider à grandir ?

Le roman se construit alors en strates historiques et romanesques alternées : un chapitre pour le Moscou de 1993, lorsque Anne débarque dans un pays qui sort à peine du communisme ; un autre pour le Moscou de 2015 quand sa fille découvre la ville à son tour. D’un côté magouilles pour survivre et fossé qui se creuse entre les affairistes de l’économie de marché et ceux qui restent au bord de l’histoire, avec la rudesse des gens en réponse à la dureté des temps. Anne a débarqué, elle attend longuement que deux babouchkas lui rendent son passeport :

Elle est en Russie. Elle touche au but. Il faut juste attendre le retour des deux Russes. Les voici justement, assurées sur leurs chaussures de mauvaise confection, fortes de tenir en main le destin d’une passagère parisienne. Elles aimeraient sans doute pouvoir s’y rendre, à Paris, arpenter les Champs-Élysées dans de meilleurs souliers. À défaut de pouvoir s’évader, elles usent et abusent du pouvoir de tamponner ; en Russie, il suffit parfois d’avoir de l’encre et un bon coup de main pour régner et posséder.

Cette expérience, Anne la fera plusieurs fois, tant, face à la pénurie permanente, l’appétit pour la richesse supposée de la jeune occidentale s’aiguise. Continuer la lecture

Domovoï
Julie Moulin
Alma Éditeur, septembre 2019, 304 p., 18 €
ISBN : 978-2-36279-420-9

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Jour de courage : homosexualité, Histoire et adolescent

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Brigitte Giraud connaît et aime les adolescents, elle sent leurs émois, leurs troubles, leurs interrogations, leurs douleurs aussi. Elle sait, mieux que personne, d’une écriture délicate et sensible, restituer les moments clés de leur existence, les instants où tout bascule.

J’avais été profondément émue par Une année étrangère, ce moment de fuite d’une adolescente juste avant le bac en Allemagne : contourner la douleur de sa famille en s’introduisant dans une autre, et au fil du temps, apprivoiser le deuil en même temps que la langue étrangère.

Jour de courageCette fois Brigitte Giraud aborde le problème de l’homosexualité chez les adolescents à travers le personnage de Livio qui va avoir le courage de révéler son orientation sexuelle à sa classe lors d’un exposé sur Magnus Hirschfeld durant un cours d’histoire.

La quasi totalité du roman s’inscrit dans la durée de cet exposé sur ce médecin juif allemand qui a considéré la sexualité humaine d’un point de vue scientifique et a lutté pour les droits des homosexuels en constituant une très grande bibliothèque de documents. Lui-même juif et homosexuel, Magnus Hirschfeld fut passé à tabac à Munich et une grande partie de ses documents  fut brûlée en autodafé par les nazis. Continuer la lecture

Jour de courage
Brigitte Giraud
Flammarion, août 2019, 160 p., 17 €
ISBN : 978-2-0814-6977-8

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Les champions de la dédicace et les autres

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Dédicace-Birmann_AnthyComme je vous admire, ô vous, les champions de la dédicace, les marathoniens qui passez de librairie en librairie, sautez de train en train et parcourez la France avec l’allégresse du vainqueur, celui qui, toujours aussi frais malgré le rythme épuisant, affiche le sourire éblouissant de celui qui semble découvrir son premier lecteur.

Je n’appartiens pas à cette race des seigneurs à la foulée élégante et racée, je suis plutôt le genre petite foulée et chevilles fragiles, vite essoufflée par le sport en général et celui de la dédicace en particulier.

Hier samedi, j’ai dû me secouer un peu : allons, deux dédicaces, une le matin, une l’après-midi, et dans le même secteur, ce n’est tout de même pas la mer à boire ! L’argument de mon coach compagnon de toujours semble raisonnable, mais je traîne un peu les pieds :

— On part si tôt ? C’est pour dix heures, et tu sais, les gens ne courent pas les librairies de bon matin, surtout dans une zone commerciale…

— Tu as pensé aux gilets jaunes ? Les ronds-point de Thonon seront peut-être occupés.

J’ai oublié les gilets jaunes, ces frères en révolte, ces oubliés qui voudraient qu’on voie qu’ils existent. Vite, le sac, le manteau et les chaussures. Sur le trajet un imprévu redoutable : la foire de la Saint Martin à Bons-en-Chablais, où coule une population matinale et réjouie devant la fête populaire et où nous attend une très très longue déviation de contournement.

L’époux a toujours été du genre testéroné au volant de sa voiture, et son sens de l’orientation va faire mieux que les panneaux jaunes qui nous empêchent d’aller dans la direction de Thonon, mieux que ce malheureux GPS dont il n’a suivi aucune indication dès le départ, il va trouver la petite route qui nous sauvera du retard. Continuer la lecture

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Ce moment où le roman échappe à son auteur

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Envol-1ere-MDepuis un mois tout juste, le roman est paru et je commence à avoir de très beaux retours de lecteurs. Pour quelle raison se sent-on concerné par un roman ? Qu’est-ce qui va nous décider à l’acheter ? C’est toujours un peu mystérieux… Dans le cas précis, le roman doit son existence à une catastrophe aérienne survenue sur le mont Blanc en janvier 1966 où beaucoup d’Indiens ont péri. Quand on connait la région, que l’on a peut-être crapahuté sur le glacier des Bossons, on comprend tout de suite ce dont je parle dans certaines pages. Une blogueuse spécialiste de l’Inde a retrouvé l’Inde qu’elle aime, mais a aussi découvert d’autres aspects de ce fascinant pays. Quelques lectrices ont été étonnées d’apprécier la civilisation parsie, alors qu’elles sont imperméables à tout fait religieux, d’autres ont été touchées par l’histoire d’amour en pointillé entre l’écrivain et la fille de la belle Indienne trouvée sur le glacier. Je pourrais ajouter tellement de raisons qui ont fait aimer ce roman, dont certaines m’ont parfois surprises. C’est là que j’ai compris que mon livre ne m’appartenait plus. J’ai mis des années à l’écrire, mais maintenant il a pris (sans jeu de mot) son envol, et je lui souhaite bon vent !

Il a touché le cœur de certaines libraires qui ont mis leur petite marque sur la couverture, certaines blogueuses ont écrit de très belles critiques, très fouillées, et j’ai eu droit à un bel article de Pauline Moisy dans le Dauphiné libéré du 25 octobre.

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Pour décider si vous allez lire ou non L’Envol du sari, ou l’offrir parce qu’il est très beau, voici les coups de cœur et critiques :

Coups de cœur de libraires (les plus récents d’abord) :

Critiques (les plus récentes d’abord) :

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