Delphine de Vigan poursuit le cycle entamé avec Les loyautés, si loin des romans qui ont fait son succès, mais si nécessaire à son approfondissement de ce qui construit un être humain.
Elle explorait dans Les loyautés deux facettes, l’une sociétale (l’alcoolisme des adolescents), l’autre intime (les loyautés qui nous façonnent et parfois nous détruisent) de la vie. Les gratitudes fonctionnent de la même façon : la façon dont notre société s’occupe du grand âge et les gratitudes qui nous ont construits. Le sujet a changé : aussi difficile que le précédent, mais saupoudré d’une lumière qu’il n’y avait pas dans Les loyautés, malgré l’adulte qui sauve l’adolescent à la fin du roman. La forme non plus n’est pas la même : autant Les loyautés était dense, autant Les gratitudes est constitué presque uniquement de dialogues. Cette forme lâche, distendue, ressemble à un tissu qui s’effiloche, et c’est bien de cela dont il s’agit : la vie de Michka part en lambeaux depuis que le langage, ce qui a construit sa vie de correctrice, s’échappe. Les pertes les plus redoutables du grand âge sont celles qui concernent nos domaines d’excellence. Continuer la lecture